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Le livre de M. Joachim Menant, de Cherbourg, Du Droit -de vie et de mort, se rattache par le côté historique au sujet qui nous occupe. M. Ménant, qui s’applique à démontrer philosophiquement l’inviolabilité de la vie, et qui déploie dans cette démonstration une remarquable élévation de sentimens et de pensées, a tracé à grands traits l’histoire de ce qu’on pourrait appeler la mort violente dans l’humanité, suicides, morts du champ de bataille, duels et supplices. Il dresse la statistique des soldats qui sont tombés par la guerre, des têtes qui sont tombées par le fer du bourreau, et il le dit avec raison, « C’est à donner le vertige : » Il y a dans ce vaste inventaire de faits effrayans beaucoup de science, un bon style, un peu trop de philanthropie peut-être, eu égard à la perversité humaine, et un talent distingué.

Les associations littéraires et scientifiques ont poursuivi avec un grand zèle le cours de leurs publications. La Société des antiquaires de Normandie, fondée en 1833, a déjà donné dix-sept volumes de Mémoires, qui contiennent des documens d’une grande valeur et des travaux originaux qui n’ont souvent rien à envier aux Mémoires de l’Académie des Inscriptions. Nous avons remarqué dans le volume de 1850 une curieuse biographie de Jean Goujon, par M. Léchaudé d’Anisy. Jusqu’ici les biographes de ce grand artiste l’ont tous fait naître à Paris en 1520. M. Léchaudé, s’appuyant sur des documens locaux, réclame, pour la paroisse de Saint-Laurent de Condel, l’honneur d’avoir donné le jour au Phidias français, et si cette rectification biographique n’a point pour elle la certitude absolue, elle a du moins toutes les apparences d’une grande probabilité. Les annuaires publiés par l’Association normande comprennent, comme les Mémoires de la Société des antiquaires, les cinq départemens qui correspondent à la circonscription de l’ancienne province ; mais ils se rapportent plus particulièrement à l’agriculture, à l’industrie et à la statistique, tandis que les publications des académies et des sociétés particulières des villes sont tout à la fois scientifiques, historiques et littéraires. Au premier rang de ces publications, il faut placer celles des académies de Rouen, de Caen et de Bayeux. Les recherches biographiques, les curiosités littéraires, tiennent dans les travaux des Rouennais une large place, et, comme preuve, il suffit de citer depuis 1848 le travail de M. l’abbé Picard sur le séjour de Bourdaloue dans la capitale de la Normandie, les recherches de M. Ballin sur Pierre Corneille, le mémoire de M. Clogenson sur certaines particularités de la vie de Voltaire. À Caen, les travailleurs ne sont ni moins zélés ni moins nombreux ; mais les études ont un caractère plus encyclopédique, ce qui tient peut-être à l’existence simultanée de la faculté des sciences et des lettres et de la faculté de droit. MM. Julien Travers, Charma, Léon Tillard, ont fait marcher de front dans le chef-lieu du Calvados la philosophie, l’histoire, l’économie politique, et il y a, nous le pensons, peu de localités en France où la littérature et les sciences morales aient été cultivées avec plus de zèle et de succès. À Bayeux, les publications, très nombreuses, sont plus particulièrement historiques, et il semble que cette ville se souvienne encore d’avoir été le dernier refuge de la nationalité normande, et qu’elle se reporte toujours avec complaisance malgré la distance des siècles, vers un passé qui lui rappelle tant de glorieux souvenirs. Les Mémoires de la Société académique de Cherbourg, quoique moins variés et moins nombreux que les publications des sociétés dont nous venons de parler, ont aussi une valeur très sérieuse, et, parmi les travaux estimables qu’on y rencontre, ceux de M. Couppey