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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/19

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plus reculés du royaume et qui mérite considération de toutes les manières. Mais, au lieu d’exécuter le dessein qui en avait été approuvé par le roi, on a rasé ce qu’elle avait de meilleur au commencement de cette guerre, en quoi sa majesté a été mal servie et même trompée, car le rocher isolé sur lequel elle est assise et qui fait sa principale force ne se peut raser ; d’où s’ensuit que le premier occupant trouvera toujours beaucoup de facilité à s’y établir avantageusement. »

L’année suivante, les Anglais lancèrent contre la ville désarmée quatre à cinq cents bombes ; quelques-unes à peine l’atteignirent[1] ; mais cet avertissement ne fut pas perdu, et l’on y répondit, dès qu’on le put, par le rétablissement des fortifications.

La ville courut en 1793 des dangers plus sérieux. La Vendée, victorieuse dans ses foyers, crut pouvoir déborder impunément au dehors, et, comme au XVIe siècle, il fallait à la guerre civile un port fortifié toujours ouvert aux Anglais et à leurs subsides. Or, la place de Granville est à douze lieues de Jersey, et, trop imparfaitement fortifiée pour opposer une longue résistance, elle pouvait, dès qu’on en serait maître, être à peu de frais rendue inexpugnable. Cela était parfaitement compris à Londres, et, dès les premières ouvertures, on y comparait avec complaisance le roc de Granville à celui de Gibraltar. Une armée anglaise fut donc réunie à Jersey, et, le 13 novembre, vingt mille Vendéens commandés par Henri de Larochejaquelein marchèrent d’Avranches sur Granville. Dès leur arrivée à Fougères, leurs projets avaient été devinés, et une commission de défense s’était formée dans la place menacée. La garnison de celle-ci se composait d’un détachement de la 31e demi-brigade et de deux bataillons de volontaires, l’un de la Côte-d’Or, l’autre de la tanche, qui n’avaient pas encore, vu le feu ; il s’y joignit cinq cents gardes nationaux ou canonniers marins de la ville. Le conventionnel Lecarpentier organisa avec une vigueur digne d’une cause si sainte des moyens de défense dont l’emploi fut dirigé par le général Peyre et l’adjudant-général Vachot.

On commença par désarmer, en dehors du faubourg, le fort de Roche-Gauthier, qui, presque impossible à défendre du côté de la terre, aurait, une fois pris, servi à foudroyer le port et la ville. Cependant l’armée vendéenne arrivait par la route d’Avranches et par le bord de la mer ; la moitié de la garnison sortit à sa rencontre, mais, refoulée par la supériorité du nombre et chassée du faubourg, elle eut peine à rentrer précipitamment dans la ville. Alors s’engagea un combat d’un acharnement inoui. Le faubourg descend vers le port et le commande ; chaque maison y devint entre les mains de l’ennemi un épaulement d’où partait une fusillade meurtrière appuyée par le feu de

  1. Archives du comité des Fortifications.