Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aëtius négocier avec les Huns, qui occupaient alors toute la contrée située à gauche du moyen et du bas Danube, l’enrôlement d’une armée auxiliaire à la solde de Rome. Aëtius, officier expérimenté, connu personnellement des rois huns, était l’homme le plus propre à faire réussir cette négociation.

L’initiative que venait de prendre Bonifacius, et qu’il soutint hardiment jusqu’au bout, déjoua tous les calculs d’ambition. Théodose II recula devant la honte que la spoliation d’un enfant, son parent, attirerait infailliblement sur lui : changeant subitement de rôle, il tira les exilés de leur retraite, et se déclara leur patron ; mais il voulut qu’ils parussent tenir tous leurs droits de sa libre et pleine volonté. Placidie eut l’humiliation de voir conférer à son fils le titre de nobilissime, comme s’il ne le possédait pas depuis sa naissance ; elle-même fut contrainte de recevoir comme une nouveauté celui d’augusta. Un grand officiel de la cour d’Orient, le maître des offices, Hélion, fut chargé de conduire l’enfant et la mère à l’armée qui allait entrer en Italie, de les accompagner pendant toute la campagne en qualité de représentant de l’empereur d’Orient, et de délivrer au jeune Valentinien, portion par portion et pour ainsi dire pièce à pièce, les pouvoirs et les insignes du principal. Ainsi Hélion, ayant fait halte à Thessalonique, enveloppa le nobilissime, qui n’avait que cinq ans, dans un manteau impérial, et le proclama césar, réservant pour une autre occasion le diadème de perles qui ceignait le front des augustes et la plénitude de la souveraineté. Une seconde cérémonie eut lieu vers le même temps : celle des fiançailles du jeune césar avec la fille de Théodose, Eudoxie, qui n’avait elle-même que deux ans. Théodose avait voulu leur mariage pour mieux lier Placidie, dont il se défait, et qui d’ailleurs n’eut garde de s’y refuser. Le fiancé, en témoignage de reconnaissance, offrit à son beau-père, par les mains de sa mère, la cession de l’Illyrie occidentale, que celui-ci convoitait beaucoup, et qui fut réunie dès-lors à l’empire d’Orient funeste générosité qui laissait l’Italie à découvert du côté de sa frontière la plus importante !

La guerre traîna en longueur avec des succès balancés, tant le parti du sénat avait de force en Italie, et Joannès, pour gagner définitivement le dessus, n’attendait que l’arrivée des Huns auxiliaires qu’on annonçait devoir être prochaine, quand lui-même tomba victime d’une trahison qui le livrait aux mains de ses ennemis. Il ne trouva de la part de Placidie ni la pitié que réclamait son infortune, ni les ménagemens que méritait son caractère, ni la clémence qu’on était en droit d’espérer d’une fille du grand Théodose. Le malheureux tyran que les hasards de la guerre amenaient en sa puissance, et qui, trois jours plus tard, eût été son maître, se vit traiter comme le dernier des criminels. Après lui avoir coupé le poing dans le cirque d’Aquilée,