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de la langue japonaise, œuvre de M. de Siebold, fut publiée dans le tome onzième sous le titre de Epitome linguæ Japonicæ. De tous les idiomes de l’archipel d’Asie, le javanais, de formation ancienne, d’une structure très artificielle, est celui qui a donné naissance à la littérature la plus riche, la plus originale. L’île dans laquelle il est répandu est couverte de ruines splendides, débris et témoignages d’une civilisation jadis très avancée et puissante. Sur les murs des temples et des palais, encore en partie debout, sont sculptées de nombreuses inscriptions. Il y avait là une mine de richesses archéologiques et littéraires dont l’History of Java de sir Thomas Stamford Raffles, gouverneur de cette île pendant l’occupation anglaise, de 1811 à 1815, avait déjà fait soupçonner la valeur ; mais, pour mettre cette mine en œuvre, il fallait avant tout la connaissance de la langue qui peut en ouvrir l’accès. À la Société de Batavia revient l’honneur d’avoir provoqué et encouragé les travaux dont cette langue est devenue l’objet. Le gouvernement néerlandais dans la mère-patrie, partageant les mêmes vues, décida que le javanais serait enseigné ainsi que le malay à l’école militaire de Bréda, et en fondant, il y a quelques années, l’académie civile de Delft, établissement destiné à former des employés pour les administrations publiques dans les Indes orientales, il créa une chaire spéciale pour chacune de ces deux langues.

Cette double impulsion, partie à la fois de la Société de Batavia et du ministère des colonies en Hollande, à la tête duquel était alors placé M. Baud, s’est révélée par une foule de publications qui rendent possible maintenant aux orientalistes l’intelligence des textes javanais, inabordables autrefois. Le créateur de ces études est Adriaan David Cornets de Groot, jeune linguiste de talent enlevé à la fleur de l’âge, au moment où il venait à peine d’atteindre sa vingt-cinquième année, et qui comptait parmi ses ancêtres paternels un homme qui a été une des gloires de la Hollande, Huig de Groot (Hugo Grotius). La Gramrnaire Javanaise de Cornets de Groot, Javaansche Spralckunst, forme le quinzième volume des Transactions de la Société de Batavia. Depuis lors MM. Gericke, Winter et Friederich ont enrichi cette collection de textes revus, traduits ou commentés par eux : le Roivoho ou Mintorogo, poème javanais édité par M. Gericke (tome XX), et le Romo, imitation métrique du Ramayana sanskrit (tome XXI, 2e partie). Le dix-neuvième renferme une production remarquable ; comme étant le premier travail complet et critique qui ait été entrepris sur l’une des grandes compositions poétiques des Malais : c’est le poème de Bida Sari, donné en original, avec une traduction et des notes, par M. van Hoëwel, vice-président de la société. Ce poème, qui tient par le fond au genre du roman, relève aussi en quelque sorte du drame, car l’action se déroule en une suite de dialogues qui se succèdent presque sans interruption. Il offre un simple et touchant récit des aventures d’une jeune princesse javanaise abandonnée au milieu des bois par ses parens fuyant devant leurs sujets révoltés, et qui, après des épreuves supportées avec courage et résignation, trouve pour époux un souverain et une couronne plus brillante que celle qu’elle avait perdue. On est aussi redevable à M. van Hoëwel d’avoir retrouvé un ancien dictionnaire manuscrit de l’un des dialectes principaux de Formose, dont le langage était jusqu’à présent un desideratum de la philologie européenne. Cet ouvrage avait été rédigé, à ce qu’il paraît, à l’époque où les Hollandais occupèrent cette île, de 1624 à 1661, par un de leurs missionnaires nommé Gerardus Happart, envoyé alors avec