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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/530

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On fut obligé de rendre à la pauvre paysanne son bâton et ses premiers vêtemens, et, quand elle se présenta de nouveau devant son fils, celui-ci se découvrit et l’embrassa avec tendresse en lui disant : « Je vous reconnais. »

Dans l’année même où il fut élevé au siège épiscopal de Paris, Maurice fit poser la première pierre de son église par le pape Alexandre III, et pendant plus de trente années il consacra tous ses efforts, toute son influence au succès de son entreprise. Dès le 17 janvier 1185, le patriarche de Jérusalem, Héraclius, officia dans la nouvelle basilique, et, l’année suivante, le duc de Bretagne, Geoffroy, fils de Henri II, roi d’Angleterre, y fut inhumé devant le grand autel. Pour subvenir aux frais de ces constructions, devant lesquelles l’art moderne est forcé de s’humilier, l’évêque s’adressait aux pécheurs, à ceux qui devaient accomplir quelque pénitence, et il leur en faisait remise moyennant une somme d’argent. C’est par cette industrie spirituelle, hac spirituali industria, dit le père Morin, que le prélat parvint à couvrir une dépense à laquelle eût à peine suffi le trésor d’un prince. L’œuvre commencée par Maurice fut achevée par ses successeurs, et, à l’exception des chapelles qui entourent le chœur, l’église Notre-Dame était complète vers 1312.

Sept cents ans nous séparent de l’évêque Maurice, et le temple magnifique dont il posa les fondemens, consolidé et comme rajeuni par l’art moderne, s’est ouvert récemment pour une inauguration nouvelle. Une somme de neuf millions ayant été votée en 1845 pour la restauration de Notre-Dame, MM. Lassus et Violet-Leduc ont poursuivi depuis ce moment cette œuvre difficile avec un zèle infatigable et un succès complet. La grande façade regardant le couchant, les arcs-houtans du côté du midi, sont aujourd’hui entièrement restaurés. Un cloître, une grande et une petite sacristie qui manquaient au vieux monument ont été bâtis entièrement à neuf. Dans les constructions nouvelles aussi bien que dans les restaurations, le grand style du moyen-âge a été reproduit avec une rigoureuse exactitude, et le XIIIe siècle est comme ressuscité dans la vieille cathédrale.

Placée au centre même de la capitale, dans l’île berceau de la Lutèce païenne, Notre-Dame fut dans tous les temps pour Paris une église bien aimée, et pour la France une église nationale. Son histoire a été écrite par des plumes savantes et pieuses, quand la piété inspirait les historiens et les érudits. Puis les archéologues, attirés par une curiosité toute profane, sont venus chercher des sujets de dissertations et de mémoires dans les mille légendes sculptées sur ses murailles. Les poètes ont chanté le demi-jour de sa nef, les sombres clartés de ses vitraux ; les romanciers ont transporté sur son parvis et dans ses tours les truands de la cour des Miracles et les enfans des races maudites. Enfouie dans de vieux livres oubliés depuis long-temps, défigurée par les archéologues,