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décoration de la salle des sept cheminées avec plus de sobriété. Les médaillons placés au-dessous des Victoires sont facilement acceptés malgré l’encadrement hexagonal, qui n’a rien de gracieux.

Toutes ces remarques, si graves qu’elles soient, passeraient sans doute inaperçues, si M. Duban eût consenti à tenir compte du monument qui lui était confié. Les figures modelées par MM. Simart et Duret, malgré toutes les objections qu’elles peuvent soulever, seraient acceptées sans résistance, si le fond même sur lequel sont placés les tableaux se prêtait à la contemplation, à l’étude de la peinture. Malheureusement il n’en est rien. Dans le salon carré comme dans la salle dite des sept cheminées, les tableaux sont complètement sacrifiés à la décoration. M. Duban ne paraît pas s’être préoccupé un seul instant de l’usage assigné aux deux pièces dont je viens de parler. Il faut bien le dire, toute la décoration imaginée par M. Duban semble dirigée contre la peinture, et bien que cette expression puisse paraître exagérée aux esprits timides, c’est la seule qui traduise fidèlement ma pensée. Le fond violet de la salle des sept cheminées, le fond jaune du salon carré, ne permettent pas d’étudier un seul tableau. On dit, et je le crois volontiers, étant donné les innombrables bévues que j’ai déjà signalées, que le fond du salon carré imitait d’abord le cuir doré et repoussé de Hollande, et que l’architecte, dans un accès inattendu de modestie, a consenti à éteindre l’éclat importun de cette imitation, à masquer l’or sous un ton qu’il lui a plu d’appeler neutre, et qui pourtant jette la confusion dans toutes les compositions qu’il devait rendre plus nettes et plus distinctes. L’erreur commise dans la décoration des voûtes, et qui ne saurait être imputée à MM. Simart et Duret, pourrait, à la rigueur, être considérée comme un accident, si les parois des deux salles, par la couleur que l’architecte leur a donnée, ne révélaient un système complet d’hostilités engagées contre la peinture. Si M. Duban consentait à nous avouer la pensée qui a dirigé tous ses travaux, il nous dirait sans doute qu’il n’a jamais songé à servir les intérêts de la peinture. Il voulait nous montrer son savoir-faire, mettre sous nos yeux des échantillons variés de ses souvenirs : c’est là l’unique but qu’il s’est proposé depuis deux ans ; puis, son œuvre achevée, par une condescendance que j’ai peine à m’expliquer, il s’est résigné à tenir compte des objections, et la percaline qui parodiait le cuir doré de Hollande s’est cachée sous un ton qui n’est précisément ni jaune ni vert. Étrange faiblesse ! coupable pusillanimité ! M. Duban avait décoré le salon carré pour le seul plaisir de ses yeux. Il se glorifiait dans le choix des couleurs et ne redoutait pas la présence importune des tableaux. Tout à coup, je ne sais quel ennemi de sa renommée vient lui rappeler que cette salle doit réunir les chefs-d’œuvre de toutes les écoles, et voilà que M. Duban, par un excès d’abnégation, renonce au cuir de Hollande. Quel dommage que les maîtres les plus illustres soient venus nous gâter la pensée de M. Duban en l’obligeant à la modifier ! N’eût-il point été cent fois plus sage de laisser le salon carré tel qu’il était sorti de ses mains, de nous montrer sa fantaisie dans toute sa splendeur, et de reléguer la peinture dans quelque galerie négligée jusqu’ici par le caprice tout-puissant de l’architecture ?

L’arrangement des tableaux vient en aide à la pensée de M. Duban. Que l’architecte ait voulu prouver le rôle modeste assigné à la peinture, c’est ce qui