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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/65

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Il y a dans la construction de son éléphant une précision, une puissance qui ne laissent rien à désirer. Il s’avance majestueusement ; les griffes et les dents des deux tigres attachés à ses flancs, qui grimpent sur ses côtes comme un lézard sur une muraille, n’entament pas sa robuste enveloppe. Les deux tigres sont d’une merveilleuse souplesse. Il n’y a dans leur mouvement rien qui relève de la convention ! C’est un mouvement pris sur nature saisi avec finesse et rendu avec fidélité. Ils grimpent avec tant d’agilité que les chasseurs ne peuvent manquer de sentir bientôt leurs griffes acérées, leurs dents furieuses, s’ils ne se hâtent de les attaquer vigoureusement ; ils sont perdus, si leurs coups sont mal adressés.

Les deux chasseurs ne sont pas traités moins heureusement que l’éléphant et les tigres. Du haut de leur tour vivante, ils regardent sans trembler l’ennemi qu’ils vont frapper, Leur visage exprime le courage sans mélange d’inquiétude. La présence du danger les anime et ne les effraie pas. Ainsi la Chasse au Tigre, considérée sous le rapport de l’invention, est de nature à contenter les juges les plus sévères, et l’invention n’est pas le seul mérite de cette œuvre. Tous les personnages qui prennent part à l’action, éléphant, tigres, chasseurs, sont exécutés avec un soin, une patience qui donnent un nouveau prix à la composition. Ici la verve n’exclut pas l’exactitude. Les ignorans vont répétant à tout propos, en toute occasion, que l’inspiration ne peut se concilier avec la précision des détails ; c’est une maxime commode à l’usage de la paresse. Si elle avait besoin d’être réfutée, si depuis long-temps le bon sens n’en avait pas fait justice, la Chasse au Tigre de M. Barye serait un argument victorieux. Ce groupe si ingénieusement conçu, dont tous les acteurs remplissent un rôle si net, si évident, où la vie se montre sous trois formes diverses, également vraies, également empruntées à la nature, est pourtant d’une correction irréprochable. Tous les membres sont vigoureusement attachés, et les mouvemens n’ont rien de capricieux. Mais à quoi bon insister sur ce point ? N’est-il pas prouvé depuis long-temps que l’art le plus hardi se concilie très bien avec la science la plus profonde ? Ceux qui soutiennent le contraire ont d’excellentes raisons pour persister dans leur opinion, ou du moins dans leur affirmation. Comme ils se sont mis à l’œuvre avant d’avoir étudié toutes les parties de leur métier, il est tout simple qu’ils accusent la science de stérilité. Eh bien ! qu’ils regardent les ouvrages consacrés par une longue admiration, qui ont résisté à tous les caprices de la mode, et ils comprendront que la science, loin de gêner la fantaisie, la rend au contraire plus libre et plus puissante, puisqu’elle met à sa disposition des moyens plus nombreux et plus précis.

La Chasse au Taureau n’est pas composée moins habilement que la Chasse au Tigre. C’est la même hardiesse de conception, la même