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Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 11.djvu/761

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par M. Schœlcher, et l’on courait, en l’accompagnant sur ce terrain-là, le risque d’épouser un amendement d’origine suspecte ; mais à qui la faute, si M. Schoelcher n’avait pas tort, et pourquoi lui donnait-on la part si belle ?

La commission chargée de ce projet de loi, dont le rapporteur était M. de Melun, acceptait bien que le gouvernement concourût avec les évêques à la nomination des aumôniers dans les hospices ; elle lui refusait tout droit d’intervenir, si malheureusement il y avait une révocation à signifier. Il est facile de comprendre la pensée dans laquelle la commission et son honorable rapporteur légiféraient ainsi. Il y a telle piété qui réclame pour l’église une si complète indépendance, que l’on croirait qu’elle ira tout d’un coup jusqu’à la séparer de l’état. On se tromperait pourtant : bien loin qu’on songe, comme il paraîtrait naturel dans un si vif besoin de s’émanciper, à la séparation radicale de l’église d’avec l’état, ce qu’on veut c’est l’absorption de l’état dans l’église. Or nous sommes une société laïque, assise sur des fondemens rationnels et non plus sur une tradition théologique. Nous gardons, nous respectons l’autel, nous lui faisons sa place dans le monde, nous la lui faisons grande ; mais nous n’admettons pas que de l’autel découle tout pouvoir, et nous n’assignons point à l’état d’origine mystique. Aussi, nous dira-t-on, votre monde est bien prospère, et votre état bien glorieux ! — Les idées du passé s’offrent toujours volontiers au milieu des misères du présent comme un refuge, comme un port, comme la vérité au sortir des déceptions ; mais si douloureuses que soient nos épreuves, ce n’est pas une raison pour que nous nous renoncions nous-mêmes : les esprits sincères, les natures vraies ne se renoncent pas. M. Dupin a certainement traversé beaucoup de vicissitudes politiques ; ce serait trop demander à un homme de ce temps-ci de les avoir toutes traversées du même pas : à tous les momens de sa longue carrière, on lui voit cependant la même originalité caractéristique, je ne sais quelle verdeur gauloise dans l’humeur et dans le sens qui fait de cette vigoureuse physionomie l’une des figures où notre empreinte nationale s’est le plus marquée. Il ne s’alambique pas l’imagination, il va droit comme les chevaux trottent, ainsi que disait Mme de Sévigné, quand elle parlait du bon jugement de ses campagnards ; il ne s’est jamais mis à l’école des sublimités étrangères, et sa raison si vive, si pratique, est de pure souche française. C’est pour cela qu’il a l’antipathie instinctive de toutes les exagérations, même en ces matières délicates où l’exagération se couvre aisément sous des dehors sérieux et respectables. Cette franche répugnance pour le faux et pour l’excessif est une force précieuse, et ceux qui ont si amèrement reproché à M. Dupin d’en avoir usé dans cette rencontre ont oublié trop vite qu’il l’avait employée souvent dans beaucoup d’autres de manière à mériter plus d’égards. Il est vrai que l’autorité de sa parole a barré le chemin au principe que M. de Melun voulait introduire dans la loi des hospices ; la loi n’a passé que sous réserve du droit entier de l’état, qu’on réglementera plus tard. Voilà comme M. Dupin s’est fait traiter de révolutionnaire et de montagnard. Il faut avouer que vous seriez bien avancés, si la montagne savait conserver cette alliance-là ; mais on peut s’en rapporter à elle du soin de la rompre !

Les entreprises de la montagne sont à peu près le seul chapitre qui nous reste à esquisser pour compléter l’histoire parlementaire de ces derniers jours. Nous avons déjà mentionné le coup de main du treizième bureau ; nous avons