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dit le sens que nous trouvions à cette espèce d’insurrection formulée par M. Schœlcher. M. Schoelcher était l’homme qu’il fallait en pareil cas ; il a l’ame bonne, et il ne demanderait pas mieux que d’avoir aussi des idées sérieuses, il porte un peu sa qualité de démocrate en façon de sacerdoce, et il évangélise assez candidement. Le terrorisme lui fait mal au cœur ; la sentimentalité philanthropique qui l’a toujours distingué lui crée nécessairement un rôle de personnage grave au milieu d’autres qui le sont beaucoup moins. Il est une -certaine naïveté dans le fanatisme qui comporte plus de tenue que les fanatiques n’en ont d’ordinaire. Cette tenue généralement correcte de M. Schoelcher lui permet d’être au besoin un intermédiaire fort utile entre les bancs de la montagne et le fauteuil de la présidence ; elle lui donne quelquefois à propos d’ascendant d’un pacificateur bien élevé sur des tapageurs impertinens. M. Schoelcher est donc venu de son plus grand calme déclarer, au nom du treizième bureau, que les procès-verbaux, de l’élection du Nord se recommandaient par une régularité parfaite, que le bureau se plaisait à leur rendre ce témoignage, et priait l’assemblée de s’associer tout entière à ses éloges. L’élection avait malheureusement un inconvénient, et c’était là le beau de la surprise, l’effet du coup de théâtre qu’on ménageait : l’élection avait eu lieu selon les prescriptions de la loi du 31 mai, une loi, comme personne n’en ignore, que la majorité de l’assemblée nationale a votée, que le président de la république a promulguée ; mais qu’importe à la montage ? La montagne a toujours protesté que cette loi n’était point à sa convenance, et qu’elle ne la tenait point pour obligatoire ; la montagne, par l’organe de M. Schoelcher, proposait à l’assemblée d’invalider l’élection du Nord, comme étant conforme à la loi du 31 mai. Supposez un jeune et fringant tribun qui ait le goût des espiègleries politiques ; quelles plus ingénieuse malice pourrait-il inventer que de profiter ainsi de la composition fortuite d’un bureau pour narguer une grande majorité comme celle qui a voté la loi du 31 mai, à l’aide d’une majorité de seize personnes comme celle qui a pourvu M. Schœlcher de son titre de rapporteur ? Mais n’allez pas croire au moins que M. Schœlcher ait voulu plaisanter : il a fait sort chef-d’œuvre sans la moindre ironie ; ce n’est pas celui-là qui sera jamais un ironique du genre de M. Proudhon il l’a fait carrément, posément. Et ne tachez pas de lui expliquer pourquoi son chef-d’œuvre est une énormité ; vous y perdriez votre peine, et ne dérangeriez pas l’équilibre de son puritanisme. À ces énormités dont l’éditeur n’a pas conscience, quelle autre réponse que la question préalable ? C’est la seule dont la décision provoquante du treizième bureau été jugée digne par la majorité.

Nous passons rapidement sur l’allocution dont M. Emmanuel Arago nous a gratifiés au sujet des affaires d’Italie. M. Emmanuel Arago est destiné, par le hasard de ses débuts politiques, à servir pour toujours dans la diplomatie de la montagne. La spécialité de sa vocation date de l’ambassade qu’il alla remplir à Berlin en 1848 ; nous lui souhaiterions d’autres commencemens. M. Emmanuel Arago ne veut pas d’Autrichiens ni de Napolitains dans Rome, mais il n’y veut pas non plus souffrir de Français, et il refuse le crédit demandé pour nos soldats. Pense-t-il donc que, nos soldats partis, le pape et les Romains, ou les Romains tout seuls empêcheront les Autrichiens d’entrer ? Nous avons exposé, il y a quinze jours, notre véritable situation en Italie ; les explications