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long séjour sur les côtes de Chine, ont été le principal objet de nos études


II

La sécurité profonde dont jouissait l’empire chinois depuis l’avènement de la dynastie mantchoue reposait tout entière sur sa situation géographique. Les vastes prairies d’où s’étaient élancés autrefois les conquérans mongols ne nourrissaient plus qu’une race pacifiée par le lamaïsme ; les hordes du Turkestan ne s’agitaient qu’au loin, sur les frontières occidentales ; des montagnes infranchissables ou des déserts glacés séparaient la Russie de la Chine. L’invasion ne pouvait donc venir que du côté de la mer, et quelle puissance entre les puissances européennes, les seules qui pussent s’attaquer au Céleste Empire, eût osé entreprendre de transporter une armée par ce circuit de cinq mille lieues, à travers ces immensités de l’océan, que l’on mettait près de six mois à franchir ? L’Angleterre elle-même ne l’eût point tenté ; mais l’Angleterre avait l’Inde, et ce qui eût été impossible au royaume-uni, l’Inde anglaise pouvait l’accomplir.

L’empire indo-britannique, fondé par une compagnie de marchands, possède une armée de trois cent mille hommes, sur lesquels on ne compte que trente mille Européens ; tout le reste, infanterie, artillerie, cavalerie, est indigène ; les officiers seuls sont Anglais. Pour une campagne maritime, il peut y avoir quelques ménagemens à garder dans le choix des régimens les soldats du Bengale sont enchaînés au sol de la presqu’île par leurs préjugés religieux, dans le gouvernement de Madras, ces préjugés n’existent pas, et l’on peut disposer au premier moment venu de toutes les troupes de la présidence. L’Inde place donc l’Angleterre à quarante ou cinquante jours des rivages du Céleste. Empire, et l’armée de la compagnie peut trouver facilement le chemin de Pe-king.

On sait à quelle occasion éclata entre l’Angleterre et la Chine le conflit qui s’est terminé par le traité signé en 1842. Le commerce de l’opium avait troublé la balance des échanges et faisait refluer chaque année vers l’Europe près de 50 millions de ce numéraire que l’empire chinois absorba pendant près de deux siècles en échange des produits de son industrie. La cour de Pe-king fut alarmée de l’extension qu’avait prise ce trafic illicite, des ravages qu’il exerçait dans les classes populaires, de l’appauvrissement dont il semblait menacer la réserve métallique de l’empire. Elle chargea un fonctionnaire énergique, le commissaire Lin, de mettre un terme à cet abus. Après avoir tenu bloqués pendant quelques jours dans les factoreries de Canton les négocians européens et le surintendant du commerce anglais, le capitaine