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Cécille, entouré d’une nombreuse division, avait su donner aux Chinois une haute idée de notre puissance navale. La cour de Pe-king attachait un grand, intérêt au bon vouloir de la France. Le vice-roi du Kouang-tong et du Kouang-si, Ki-ing, chargé de traiter avec les négociateurs européens, accueillit avec un empressement inattendu les premières ouvertures de M. de Lagrené. L’aménité du plénipotentiaire français avait gagné la confiance du mandarin tartare. Dans la convention qui devait intervenir entre les deux puissances, on ne s’écarta point des bases admises par les Anglais et les Américains. Le traité de Nan-king n’avait ouvert aux Européens que les cinq ports ; les étrangers demeuraient exclus du reste de l’empire, et les missionnaires ne furent point exceptés de cette interdiction générale. Les Anglais cependant avaient exigé que tout étranger saisi dans l’intérieur du pays ne fût justiciable que du consul de sa nation. Cette clause était applicable aux missionnaires et les mettait à l’abri des arrêts sanguinaires du prétoire ; mais c’était là, aux yeux de ces hommes intrépides, une conquête sans importance ; quelques-uns d’entre eux n’acceptaient même qu’à regret ce gage de sécurité qui les menaçait de la concurrence des sectes protestantes. Ce que tous demandaient comme un bienfait inappréciable, c’était la liberté pour les sujets de l’empire d’embrasser la foi catholique et d’en professer ouvertement le culte extérieur. On ne pouvait faire de cette tolérance religieuse un article du traité qui allait engager les deux nations ; on pouvait solliciter ce bienfait comme une faveur. C’était une affaire qui devait être discutée officieusement entre les deux plénipotentiaires. La France ne jeta point son épée dans la balance ; elle réclama les droits de l’humanité avec le langage modéré qui convenait à la cause qu’elle s’était chargée de défendre ; elle suivit avec persévérance des négociations pacifiques et vit ses efforts couronnés d’un plein succès. Trois édits impériaux furent accordés aux sollicitations de notre ambassadeur : le premier permettait à tous les Chinois d’embrasser la religion chrétienne ; le second donna pour marque distinctive du christianisme le culte de la croix et des images ; le troisième prescrivit la restitution des églises bâties depuis le règne de l’empereur Kang-hi, de celles du moins qui n’auraient point été converties en pagodes ou en édifices d’utilité publique. Un cri de joie, parti du sein de l’église de Chine, depuis si long-temps opprimée, salua dans l’apparition de ces édits la promesse d’un meilleur avenir. Une ère nouvelle s’ouvrait pour les missions, et notre marine appelée à défendre l’œuvre de notre diplomatie, devait bientôt, par la force même des choses, chercher à en développer les conséquences.

On était fondé à espérer que les états tributaires de la Chine suivraient cet empire dans la voie des concessions religieuses. Si la cour