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qu’il a fait : son père ayant été radical et frondeur du gouvernement, M. Thornton Hunt s’est fait communiste et frondeur de la société. Ce n’est pas seulement en France que les hommes célèbres éprouvent ce malheur, d’avoir dans leurs fils un miroir grossissant de leurs travers. M. Thornton Hunt est le dernier venu des écrivains chartistes, et c’est, après tout, l’écrivain le plus distingué que le mouvement démocratique ait produit dans ces dernières années. Du reste, le chartisme est en baisse depuis quelque temps; le silence se fait autour de ses chefs officiels, les livres et les brochures deviennent plus rares. La véritable littérature chartiste ou démocratique, la plus naïve, la plus inspirée naguère encore et certainement la plus intéressante, celle des ouvriers, se ralentit aussi. Il n’apparaît plus d’Ebenezer Elliot ni de Thomas Cooper; les forgerons et les cordonniers de Sheffield et de Manchester ne notent plus sur un rhythme irrité les accens de leur colère ou de leur désespoir; il n’y a plus de poète anonyme qui, comme l’auteur d’Ernest, inquiète et alarme l’autorité, ni de pamphlétaire qui, sous le pseudonyme de Marcus, vienne ironiquement proposer aux communes des projets de lois homicides. On dirait qu’il y a un apaisement dans les masses et une fatigue dans les esprits.

La deuxième catégorie de cette littérature est plus féconde; c’est celle qui comprend tous les livres et tous les pamphlets émanés des différentes classes de la société et des hommes de diverses professions, écrivains, avocats, médecins, prêtres, économistes. C’est dans cette littérature confuse et dont aucun parti ne peut s’attribuer la direction officielle, c’est dans cette mêlée de livres que se continue le mouvement démocratique sorti du sein des masses. Là il n’y a plus, comme dans le chartisme, unité de doctrines et d’impulsion; chacun par le en son propre nom : les uns, comme l’auteur du pamphlet intitulé Socialisme chrétien, transportent ces questions dans le sanctuaire religieux pour les purifier, s’il est possible, et les rendre fécondes; les autres, comme miss Martineau l’a fait tout récemment, relèguent ces idées encore plus avant dans les régions de l’athéisme; les troisièmes, comme l’auteur de Marie Bar ton, se contentent de raconter les souffrances populaires sans essayer de mêler à leurs récits aucune doctrine philosophique précise et déterminée.

La troisième catégorie, celle qui comprend les écrits économiques, les statistiques, est celle qui, pour le moment, paraît le plus en faveur; de ce nombre sont les lettres de M. Mayhew, dont il a été parlé ici même, et un livre récent, l’Angleterre telle quelle est, publié par un avocat de talent, M. Johnson. Mais n’admirez-vous pas comment, sans révolutions et par le seul fait de la liberté, les questions, en Angleterre, font leur chemin; cette question des classes laborieuses est d’abord sortie du peuple, s’est exprimée par mille balbutiemens lyriques, par des