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propos du dernier de ces ouvrages, que l’auteur s’était un peu trop hâté de produire un travail qui, malgré d’incontestables mérites, manque de maturité et n’a pas le développement nécessaire pour justifier son titre : cette remarque est exacte, et nous ajouterons que, si le livre de M. Laymarié offre de nombreuses lacunes, cela tient moins à l’auteur lui-même qu’à la nouveauté du sujet. Il est impossible en effet d’écrire une histoire générale des paysans de France avant que cette histoire ait été faite pour chaque province à un point de vue particulier, telle, par exemple, qu’on la trouve pour la Normandie dans le livre de M. Léopold Delisle. De même que pour les villes il faut étudier chaque localité, de même pour les campagnes il faut étudier chaque circonscription féodale. La condition des personnes dans les pays de droit écrit est modifiée de village à village par les coutumes locales; tandis que le servage disparaît dans certaines parties du territoire dès le XIIe siècle, il se perpétue sur d’autres points jusqu’au XVIIIe. Ce n’est donc qu’après avoir procédé par voie d’analyse exacte qu’on peut arriver à la synthèse, et, au lieu d’une histoire générale des paysans de France, nous aurions mieux aimé que M. Laymarié nous donnât tout simplement l’histoire particulière des paysans du Limousin. L’Album historique de la Creuse de M. d’Anglade et l’Essai sur la ville de Tulle complètent, pour cette partie de la France, le catalogue des livres d’histoire et d’archéologie.

La littérature, les études économiques et sociales, prévalent dans la Guienne sur les travaux d’érudition. Nous trouvons cependant encore quelques publications intéressantes, telles que le livre de M. Lescarret, De la Propriété pendant l’époque féodale; la monographie de l’église primatiale de Saint-André, par Mgr Donnet, archevêque de Bordeaux; le Bulletin des monumens historiques de la Gironde, quelques mémoires dans le recueil de l’académie nationale de Bordeaux, et la Collection générale des Documens français qui se trouvent en Angleterre, par M. Jules Delpit, de Bordeaux. La commission des monumens historiques de la Gironde ne se borne point à des études architectoniques, elle s’occupe aussi de réunir et de publier des documens écrits, et c’est là ce qui forme la partie intéressante de son Bulletin, qui compte parmi ses collaborateurs les plus assidus MM. Babanis et Léonce de la Mothe, Nous avons remarqué dans ce bulletin une notice de M. Babanis sur l’hygiène publique à Bordeaux. Ce moyen-âge, qu’on est si généralement disposé à regarder comme une époque d’imprévoyance et de barbarie, ne le cédait cependant en rien à notre temps en fait de précautions sanitaires : un grand nombre de communes, dès le XIIIe siècle, avaient des abattoirs, et les denrées alimentaires étaient plus sévèrement visitées que de nos jours. Les grandes villes du midi, qui gardèrent à travers tous les désastres les traditions de l’administration romaine, se distinguèrent à toutes les époques par une extrême sollicitude pour la santé publique. Elles avaient, outre des écorcheurs jurés et des inspecteurs des boucheries, des officiers particuliers désignés sous le nom de capitaines de la santé, prévôts de la santé, qui surveillaient l’exécution des ordonnances hygiéniques; elles avaient encore, et cette institution s’étendit dans toutes les villes du nord et du centre, des médecins et des chirurgiens, qu’elles payaient souvent fort cher, et qui, selon toute apparence, guérissaient fort mal, si l’on en juge par certaines prescriptions qu’on trouve encore dans les registres des échevinages, et par le procès-verbal d’un concours médical que reproduit M. Babanis. On voit