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s’obstiner à croire encore, on ne peut plus affirmer qu’elle ne fut qu’égarée. C’est là ce doute, la dernière et la plus grande des fautes de Marie Stuart, ce doute qui permit à Elisabeth de commettre impunément, à la faveur de l’opinion partagée, un abus de pouvoir sans exemple; c’est ce doute pour lequel Marie Stuart mérita surtout d’être punie, et dont on peut à peine dire que l’expiation ait été trop forte.

Le récit de cette expiation remplit le second volume de M. Mignet, dont je n’ai pas encore dit un mot, quoiqu’il soit peut-être le meilleur des deux : non que le premier soit plus négligé ou que M. Mignet n’y ait pas eu tout son talent; mais on pourrait croire qu’il s’y est moins complu. Le mauvais gouvernement de Marie, cette anarchie contre laquelle elle ne peut rien, et qu’elle aide par conséquent; sa mobilité, tout ce qu’il y a de décousu, d’agile, de contradictoire dans le gouvernement d’une femme; beaucoup de fautes, un mélange d’emportement et de ruse, quoique la plupart du temps excusable par la brutalité et la perfidie de ses ennemis; enfin et surtout la tâche ingrate de montrer Marie complice d’un assassinat : tout cela blessait sa raison et sa conscience, et semble l’avoir fatigué, malgré l’attrait, pour l’historien, de la vérité démêlée et éclaircie. Il trouvait trop à condamner dans la reine pour adopter la femme : aussi la traite-t-il froidement, et cette froideur pour le principal personnage du livre a pu gagner quelques parties de ce premier volume. J’en excepte pourtant les chapitres sur l’état de l’Ecosse avant et à l’arrivée de Marie : c’est de l’histoire générale, et M. Mignet y excelle. Dans le second volume, où se continuent les belles qualités de l’historien des événemens généraux, un intérêt touchant et soutenu pour le principal personnage anime et échauffe tout le récit. M. Mignet avait résisté aux séductions de la belle reine d’Ecosse : ses fautes l’avaient rendu insensible à ses charmes; mais à peine l’expiation a-t-elle commencé, que la froideur cesse, et l’historien adopte désormais la pauvre captive d’Elisabeth. La cruauté de celle-ci, sa perfidie, se tournent en grâces pour sa victime, et la pénétration même avec laquelle M. Mignet démêle les noirceurs de la geôlière sert à l’attendrir sur le malheur de la captive. Son style, habituellement plus ferme que souple, et qui, pour toutes les parties sévères de cette histoire, complots à l’intérieur, mouvemens des partis, conduite des cours étrangères, a des finalités qu’on pourrait appeler magistrales, sait trouver des tours aimables et touchans pour peindre le genre de vie qu’Elisabeth avait fait à la reine d’Ecosse. Il donne tout leur prix, sans y enchérir par de fausses grâces, à ces détails dont on est insatiable sur la manière dont Marie Stuart employait les jours si longs de sa captivité, tantôt abattue, tantôt emportée par l’espérance, un jour pleine de haine méritée contre Elisabeth, le lendemain adoucie jusqu’à faire pour sa bonne sœur de petits ouvrages de main, — et qu’ils devaient être charmans, si l’on en juge par le couvre-pied de