Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/626

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce sont les débris des bataillons confiés aux talimdjis[1] de l’armée des Indes que nous vîmes à Ispahan. L’infanterie persane n’avait conservé de son organisation primitive que quelques maniemens d’armes insignifians et inutiles un jour de bataille. A la veste bleue française on avait, pour les bataillons de la garde, substitué une veste rouge de façon anglaise, et, comme pour achever de rendre cette troupe impropre à tout service sérieux, on l’avait armée de fusils détestables. Toutes ces armes étaient détraquées, elles avaient perdu leurs batteries, et les baïonnettes en étaient si mal adaptées, que des soldats me racontaient qu’au siège d’Hérat ils avaient été obligés de les attacher avec leurs mouchoirs pour ne pas les laisser entre les côtes des Affghans.

Outre les bataillons dits de la garde, il y en a d’autres qu’on appelle provinciaux : ils correspondent à nos troupes de ligne. Ce sont eux qui tiennent garnison dans les principales villes du royaume. Ils se distinguent de la garde par la couleur de leur veste, qui est bleue ou jaune. Leurs buffleteries sont en cuir noir. Les pantalons sont blancs pour toute l’infanterie, qui marche au son des tambours et des fifres. Les bataillons de la garde seule ont une musique d’instrumens à vent qui exécute des marches arrangées sur des airs nationaux par des Allemands ou des Italiens. Le costume des officiers est très simple. Ils portent une veste de la couleur de leur bataillon ou une tunique boutonnée droit sur la poitrine, de grandes bottes et un sabre courbe. Les colonels seuls ont des épaulettes.

Quant à l’artillerie, qui est organisée en troupe légère, il ne m’a pas été possible de juger de son habileté. Ses pièces sont du calibre de six et de huit; les canonniers sont à cheval; ils n’ont pas d’autre arme qu’un sabre de façon anglaise. Leur uniforme a une tournure plus européenne que celui de l’infanterie : ils ont une veste de drap bleu avec des paremens rouges; ils portent une giberne sur la poitrine, et, avec des pantalons de coton bleu ou blanc, de grandes bottes à cœur et à glands. Leur tête est couverte d’un énorme bonnet de peau de mouton noir ou gris à longue laine, qui, de loin, figure un colbak. Les officiers se distinguent des soldats en ce que leurs vestes sont ornées, sur la poitrine, de trois rangs de boutons avec des tresses d’or, et que le collet et les paremens sont accompagnés de galons semblables. Ils ont des épaulettes, mais on n’y attache pas comme chez nous une marque distinctive de grades. Ainsi j’ai vu un capitaine portant de monstrueuses épaulettes de colonel russe; il en paraissait fort enchanté et très fier. Cet officier attribuait à l’artillerie persane une supériorité qui ne pouvait permettre à aucune autre de se mesurer avec

  1. Instructeurs militaires.