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sera juste pour ce prince, qui a couvert son pays de monumens impérissables. L’essor merveilleux de Java, le développement de l’industrie belge, la fondation de la Société de commerce, le grand canal de Guillaume (Willemskanal), le desséchement de la mer de Harlem, pprotégeront et perpétueront son souvenir. On peut dire que Guillaume Ier a posé les bases de la situation : nouvelle de la Hollande. Son règne présente une remarquable analogie avec celui du prince contemporain qui a donné à la France dix-huit années de prospérité. Le roi des Français est mort dans l’exil, Guillaume Ier à Berlin, où il s’était retiré (30 décembre 1843) tous deux victimes des agitations d’une époque funeste aux caractères énergiques, et où les qualités les plus solides ne suffisent plus pour sauver les meilleurs princes et leurs systèmes.

Le nouveau roi, Guillaume II, s’était fait aimer dans les provinces du midi comme dans celles du nord en Belgique et en Hollande. Il apportait sur le trône des goût et des qualités qui n’avaient pas entièrement été ceux de son père, des goûts chevaleresques et somptueux, une grande facilité de caractère, une réputation de bravoure acquise sur les champs de Badajoz, de Valladolid, aux journées des 16, 17 et 18 juin 1815. Dans le héros de Quatre-Bras, la nation saluait avec orgueil « la gloire (glorie) néerlandaise. » A Waterloo, il eut le bras droit emporté par un boulet de canon. Par sa campagne de dix jours sur la Sambre, il vengea noblement et la défaite des troupes hollandaises devant les Belges et ses échecs personnels. Arrivé au trône en 1830, il eût prévenu peut-être le démembrement du royaume des Pays-Bas. Lors des journées de septembre, la Belgique avait réclamé un roi, et le prince d’Orange était désigné pour gouverner le nouveau royaume. Il est regrettable qui la volonté de Guillaume Ier ait empêché le prince d’Orange de prendre possession d’un trône qu’il eût dignement occupé.

Guillaume II trouva la Hollande dans une situation désespérée ; le fardeau constamment alourdi des charges publiques était devenu accablant pour le pays. Le budget de la Hollande séparée de la Belgique différait à peine de celui de l’ancien royaume hollando-belge ; le budget du ministère de l’intérieur, depuis 1830, n’était inférieur que de 9 millions au budget du même département avant cette époque ; celui de la guerre, loin de diminuer, avait augmenté ; avant 1830, il était de 36 millions ; en 1839, il était de 40 millions. Le chiffre des impositions en 1843 dépassait de 40 millions celui de 1815. La dette, qui s’était accrue de 1815 à 1830 de 23 pour 100, s’élevait en 1843 à 2 milliards 600 millions, dont 268 avaient été mis à la charge des colonies. Le service des arrérages absorbait plus de 72 millions par an[1]. Avec une

  1. De 1830 à 1850, la dette 5 pour 100 seulement s’était accrue de 442 millions en capital, et de 23 millions en intérêts. Pendant la même époque, 8 millions de billets du trésor avaient été émis, la dette des Indes avait été créée, l’état devait 80 millions à la Société de commerce, et il existait au trésor un déficit de 68 millions. En comptant l’ensemble de la dette publique de l’Europe pour 100, la Hollande y figurait pour 9/10es, la France pour 10/100es, l’Angleterre pour 41/100es. Par rapport à sa population, elle était le pays le plus imposé de l’Europe.