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intérieure et la navigation maritime, que des artères isolées du cœur y seraient rattachées : le bienfait d’un travail accompli dans de si étroites limites s’étendrait jusqu’aux extrémités de la province ; il déboucherait, s’il est permis de parler ainsi, le canal d’Ille-et-Rance, élargirait les avantages du canal projeté par Vauban, et l’entreprise la moins dispendieuse que puisse aborder le pays serait la plus féconde par rapport au capital employé.

Les neuf dixièmes des exportations du port de Saint-Malo sont fournis par l’agriculture, et livrer à celle-ci la conquête des grèves du Mont-Saint-Michel, en doubler les forces productives dans les bassins de la Rance et de l’Ille, ce serait préparer du tonnage, c’est-à-dire de l’activité à notre marine ; mais ce n’est pas seulement par là que la jonction de la navigation intérieure à la navigation maritime et l’exécution du projet de Vauban accroîtraient notre population de matelots : elles lui ouvriraient encore une école dans l’enfance, un asile dans la vieillesse. Des lignes navigables embranchées sur un port, et donnant sans mesure aux hommes que l’inscription maritime retient pendant toute une vie de fatigues et de périls à la disposition de l’état un travail approprié à leurs habitudes, voilà les hospices dus à leurs vieux jours. Dans les watteringues de Dunkerque, sur les canaux du Cotentin, où le transport de la tangue est fort actif, beaucoup de bateaux sont montés par un vieillard et par un enfant ; ce sont souvent l’aïeul et le petit-fils ; l’un, appesanti par les travaux de la mer, y prépare à son déclin l’autre, trop faible encore pour les aborder. Les ramifications de la navigation de la Rance offriraient à des vétérans et à des novices bien plus nombreux une assistance plus étendue, et seraient autant de succursales de l’institution des invalides de la marine.

Si la navigation intérieure de la Bretagne s’animait au contact du port de Saint-Malo, si le canal d’Ille-et-Rance recevait du canal de Vauban l’alimentation qui lui manque, si les polders de Dol doublaient d’étendue, et les arrondissemens de Dinan, de Rennes et de Saint-Malo de fécondité ; si la rive gauche de la Rance maritime communiquait librement avec la droite, le mouvement du port de Saint-Malo[1], qui n’a dépassé qu’une seule fois de nos jours 200,000 tonneaux, laisse-

  1. Le commerce n’a jamais distingué deux ports dans le bassin dont les quais appartiennent, au nord à la commune de Saint-Malo, au sud à celle de Saint-Servan. Je suis cet exemple en réunissant dans le même chiffre les tonnages attribués dans les états des douanes soit à Saint-Malo, soit à Saint-Servan ; il suffit de remarquer que dans ce tonnage collectif les quatre cinquièmes appartiennent ordinairement à Saint-Malo. Le tonnage du port a été en
    1846 de 189,046 tonneaux.
    1847 — 211,669 —
    1848 — 166,366 —
    1849 — 174,571 —
    1850 — 181,505 —