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suivant les allées qui forment, avec les remparts, une double ceinture à la ville, on admire successivement, dans toute la variété de leurs perspectives, ces campagnes si riches des dons du ciel et des travaux de la culture, Duclos, l’homme droit et adroit qui fut une des gloires littéraires du XVIIIe siècle, était de Dinan : c’est lui qui a fait planter ces promenades en 1745 ; cet esprit sain et vigoureux ne produisait que de bonnes choses. La ville de Dinan donne d’habiles chirurgiens à la marine, comme, dans l’antiquité, les familles des Asclépiades donnaient des médecins à la Grèce, et elle s’est approprié une partie de la fabrication des toiles à voiles qu’a perdue Rennes ; mais, frappés par la concurrence des machines, les tisserands y sont réduits aux dernières extrémités. — Le mouvement du port y roule à peine sur 15, 000 tonneaux, et n’acquerra quelque activité que par le développement de la navigation du canal d’Ille-et-Rance.

La rareté des relations entre le port de Saint-Malo et l’intérieur du pays qu’il lui appartient de desservir est accusée dans tous les détails qui précèdent, et qui ne connaît pas les lieux s’étonne que la Rance remplisse si mal sa destination. Il manque à la fortune du port de Saint-Malo une condition essentielle : c’est d’être aussi accessible à la navigation intérieure qu’il l’est à la navigation maritime. Ces deux navigations devraient se féconder réciproquement sur ses eaux ; l’interposition d’un obstacle empêche entre elles tout contact utile. Cet obstacle consiste dans la configuration de la presqu’île rocheuse de la Cité, qu’il faut doubler pour descendre de la Rance dans le port, et dans le conflit des courans qui s’entrechoquent tout autour. Les transports ne s’opèrent économiquement sur les canaux que dans des bateaux dont l’appropriation à cet usage exclut toute aptitude à manœuvrer sur une mer agitée. Pour de tels bateaux, l’accès du port de Saint-Malo est tout-à-fait impraticable ; autant viendraient affronter la pointe de la Cité, autant périraient. Les petites gabares des baies de la Rance, malgré la précaution d’alléger leur charge, paient elles-mêmes chaque année aux dangers de ce passage plus d’un sinistre tribut. Il est heureusement possible de tourner ces écueils, qu’on ne saurait braver de front. L’isthme par lequel la Cité tient à la terre ferme est bas et n’a que 95 mètres d’épaisseur : en le coupant, on ouvrirait le port aux bateaux de canal, et la prudence la plus vulgaire suffirait à les préserver des dangers qui resteraient sur leur route. Ce serait le principal, mais non pas le seul résultat de la coupure de l’isthme ; les courans modérés auxquels il donnerait passage préviendraient l’envasement dont l’avant-port est menacé par des travaux trop peu réfléchis, et l’isolement complet du roc de la Cité ajouterait beaucoup à la force de la citadelle qu’il porte. C’est ainsi que se formerait dans le bassin de Saint-Malo le nœud entre la navigation