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angles relevés et de leurs maisons aux briques bleuâtres la plaine qui vient doucement mourir vers la plage du port intérieur. Entre l’enceinte de Macao et ces populeux villages, autour des jardins consacrés à la culture de l’igname, du pe-tsai ou des patates sucrées, quelques touffes de bambou épargnées par les typhons font encore flotter, comme de vertes banderoles, les longues feuilles attachées à leurs tiges flexibles ; l’hibiscus mêle aux fragiles rameaux du ricin ses feuilles sombres et ses corolles cramoisies. Plus loin, un peu au-delà des limites marquées par la barrière chinoise, le pin de Norvège couvre d’un chétif ombrage quelques dunes de sable que les vents ont amoncelées sur le bord de la mer.

Lassés de parcourir sans relâche cette route invariable, il nous arrivait quelquefois de suivre les sentiers qui serpentent autour du massif granitique dont le fort da Guia occupe le sommet. Ces sentiers nous rendaient la vue de la mer, mais avec un horizon agrandi, avec les nombreux îlots qui s’étendent à l’est de la pointe de Montanha, avec le pic audacieux de Lantao qu’on voyait apparaître au-dessus d’un épais rideau de nuages. Les Parsis, graves et patiens spéculateurs que le commerce de l’opium a fixés à Canton et à Macao, ont choisi une des anfractuosités les moins accessibles de cette montagne pour y dresser les larges dalles de leurs tombeaux, monumens austères, uniformes et semblables dans leur nudité à la pierre antique du sacrifice. Du funèbre et solitaire asile réservé à ces pieux adorateurs du soleil, nous apercevions la baie peu profonde où vinrent débarquer les Hollandais vers le milieu du XVIIe siècle. Les Portugais, qu’ils avaient entrepris de chasser de Macao, étaient à cette époque de rudes adversaires. Après une action sanglante, ils repoussèrent l’ennemi qui les avait tenus quelque temps assiégés, et le fort de Monte, destiné à renfermer une garnison considérable, fut bâti par les prisonniers que dans cette journée épargnèrent les vainqueurs.

Dès qu’abandonnant la campagne, on cherche à pénétrer dans l’intérieur de Macao, on s’étonne qu’on ait pu trouver l’emplacement d’une ville sur les pentes que couvre aujourd’hui la cité portugaise. Il a fallu le concours des capitaux européens et de l’industrie chinoise pour tracer des rues au milieu de ces blocs confusément entassés, pour niveler des places au fond de ces ravins ou au sommet de ces escarpemens, pour orner de rians parterres ce roc nu que le figuier des Banyans avait seul enlacé jusqu’alors de ses racines multipliantes. Parmi les jardins dont l’opulente fantaisie des négocians anglais a doté Macao, il en est un que le voyageur ne saurait oublier de visiter. Les caramboliers et les acacias protègent du doux frémissement de leur ombre ce frais observatoire d’où l’œil découvre l’étroit canal du port intérieur, les îles nombreuses dont les plans se succèdent et se