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taxe personnelle imposée à chaque habitant en proportion de son revenu, depuis rage de vingt ans jusqu’à celui de soixante; ils doivent en outre acquitter une contribution foncière prélevée sur les produits du sol, et fixée au dixième, au vingtième, au trentième de la récolte, suivant la qualité de la terre. Ces impôts modérés sont presque toujours doublés ou triplés par la cupidité des mandarins.

Le peuple chinois ne cherche point en général dans l’insurrection un remède à ses maux. Son naturel pacifique s’oppose à ces levées de boucliers. De tout temps cependant la Chine méridionale s’est montrée moins disposée que les autres provinces à se soumettre aux vexations des autorités. Le Kouang-si et le Kouang-tong sont le grand embarras de la dynastie mantchoue. C’est surtout dans les nombreux villages dissémines autour de Canton qu’on a vu plus d’une fois les résistances municipales triompher de la puissance des mandarins. Pendant la guerre de l’opium, les habitans de ces villages osèrent prendre les armes, et les apparences de succès qu’ils obtinrent alors sur les troupes anglaises ont contribué à augmenter leur orgueil et leur turbulence. C’est au moment où les troupes tartares avaient été contraintes de se renfermer dans la ville, au moment où une partie de la rançon de Canton était déjà embarquée à bord des navires anglais, que les braves, formés en masses menaçantes, vinrent planter leurs étendards en face des hauteurs qu’occupait sir Hugh Gough. Il suffit d’une charge vigoureuse pour disperser ces bandes irrégulières, que quelques compagnies poursuivirent de village en village; mais un affreux orage succéda, vers le coucher du soleil, à la température accablante de la journée, et vint changer la face des choses. Les Anglais n’avaient que des fusils à pierre, et la pluie avait rendu ces armes complètement inutiles. Sir Hugh Gough dut songer à se replier vers ses positions. Les Chinois se rallièrent et suivirent la colonne anglaise dans son mouvement de retraite. On vit ces levées populaires déployer alors une audace qu’on n’était guère en droit de leur supposer. Plus d’une fois, lorsque la colonne était obligée de rompre ses rangs pour passer un ruisseau ou pour défiler à travers les rues étroites d’un village, les soldats anglais eurent à soutenir des combats corps à corps. Au milieu de l’épais brouillard qui couvrait la campagne, une compagnie de cipayes se sépara du gros de la colonne et fut obligée de se former en carré pour ne pas être entamée par l’ennemi. L’obscurité était déjà complète, la tempête redoublait de violence : ce faible détachement ne pouvait opposer aux nombreux assaillans qui le harcelaient que les baïonnettes de ses fusils. Les Chinois avaient réussi à traîner sur une éminence très rapprochée une petite pièce d’artillerie dont l’effet eût été terrible sur ce carré immobile. Les cipayes se croyaient perdus, quand heureusement deux compagnies de soldats de marine, armés de fusils à