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gracieuse danse, où l’on cause peu, mais où l’on se prend beaucoup par la taille. Les hommes se rangent d’un côté, les femmes de l’autre, chacune vis-à-vis de son danseur ; puis, sur un mouvement de valse très lent, les premiers couples commencent des figures qui ressemblent à celles du cotillon, et ils vont ensuite se ranger à l’autre extrémité de la double ligne, toujours dans le même ordre ; les deux couples suivans les imitent, et ainsi de suite pour les autres couples, jusqu’à ce que chacun ait dansé. Après une demi-douzaine de nouvelles figures qui durent une demi-heure, les femmes vont reprendre leur poste dans le demi-cercle, et les hommes leur première place à l’autre extrémité du salon.

Je sais à Paris beaucoup de gens qui, spectateurs pour la première fois d’une danse espagnole, pourraient difficilement s’empêcher de sourire de ce luxe de ronds de bras et de jambes. Ils auraient tort, car c’est l’imitation prétentieuse et maladroite qui constitue le ridicule, et il ne faut pas le chercher là où existe le naturel. J’avoue cependant que j’eus moi-même un moment quelque peine à garder mon sérieux. Au reste, mon châtiment était là tout prêt, car la valse commença, et je voulus valser à l’allemande, comme on valse aujourd’hui partout en Europe. Ma danseuse, après trois ou quatre bonds à contre-mesure, déclara, hors d’haleine, qu’elle n’avait jamais ouï parler d’un mouvement de valse aussi violent, et qu’il lui était de toute impossibilité de me suivre. Là-dessus force questions sur la valse en Europe et instantes prières de valser comme à Paris. Une femme plus courageuse que les autres se décida à me servir de partner, et nous voilà partis ; nous n’avions pas parcouru la moitié, du salon, que ma valseuse s’arrêta court et se jeta sur un fauteuil en riant aux éclats ; les spectateurs de faire chorus, et moi avec eux de très bon cœur. Leur valse est fort lente, fort dandinée, et enrichie de toute sorte de graces des bras et des épaules.

À dix heures, on passa dans la salle à manger, où, sur une table élégamment servie, il y avait du café, du thé, des liqueurs, des gâteaux et des friandises de toutes sortes. Alors commencèrent les attentions et les galanteries à l’usage du pays. On offre à une dame un gâteau ou un bonbon dont elle partage un morceau avec vous, ou bien un verre de liqueur dans lequel elle trempe ses lèvres. C’est, pendant une heure, un interminable va-et-vient de bonbons et de liqueurs. Les hommes vous portent des toasts que vous leur rendez, et l’on sort de ce thé infiniment plus gai qu’on ne l’était au commencement de la soirée. Plus de cercles de chaises, plus de groupes d’hommes ; chacun s’assied près de qui lui convient : les danses deviennent, non pas plus rapides, mais plus animées. À minuit arrive un déluge de champagne et de petits gâteaux que les hommes s’empressent d’offrir