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irrégulièrement. Les maisons qui se trouvent sur les lignes fatales sont englouties ou renversées. Lors de mon séjour à Aréquipa, un récent désastre causé par le terrible volcan attristait encore la population.

Les maisons d’Aréquipa sont toutes construites sur le même modèle : un grand portail donnant sur la rue ; une petite cour pavée en cailloux de diverses couleurs, flanquée de quatre côtés de bâtimens massifs ; au fond de la cour, en face du portail, la salle de réception, et, derrière, un petit jardin planté de fleurs pour lesquelles les Aréquipéniennes ont une véritable passion. L’ameublement, d’ailleurs assez simple, paraît extraordinairement riche quand on considère que la plupart des meubles viennent d’Europe, et que d’Islay à Aréquipa il y a, trente lieues de désert. Dans chaque salon, on trouve un piano ; mais peu de personnes savent en tirer autre chose que des valses et des contredanses. On a la bonhomie de convenir que l’éducation d’Europe est infiniment supérieure à l’éducation péruvienne, et les mères de famille donnent, quand elles le peuvent, à leurs enfans, garçons et filles, des maîtres de langues, de dessin et de musique.

Je me souviendrai toujours d’un bal donné en bonne partie à mon intention ; la maîtresse de la maison, après m’avoir présenté à plusieurs jeunes femmes assises sur des fauteuils rangés en demi-cercle des deux côtés du canapé d’honneur, s’en était allée recevoir son monde, et m’avait laissé le soin de me tirer d’affaire de mon mieux, à l’aide des cinquante mots espagnols qui formaient tout mon répertoire. Ces dames se divertirent fort de la hardiesse avec laquelle je combinais mes cinquante mots ; j’avais bien là des connaissances à moi sachant le français, mais mes nouveaux amis me laissaient avec un certain plaisir baragouiner l’espagnol, et, au lieu de venir à mon aide, ils se tenaient collés au groupe des autres hommes qui, silencieux, raides et sans chapeau, attendaient à l’autre bout du salon que le moment de danser fût arrivé. J’étais à bout de mes combinaisons de mots, je me levai et fus me perdre dans la masse des habits noirs et des cravates blanches : là, nouvelles présentations et poignées de main à l’anglaise. Mes récentes connaissances voulurent savoir ce que je pensais du costume des hommes, de la toilette des femmes et du plus ou moins de différence que je pouvais trouver entre cette soirée et une soirée d’Europe : naturellement je dis que tout était très bien, et réellement tout était assez bien.

Les invités arrivés, la maîtresse de la maison alla chercher une dame qu’elle conduisit au piano. La dame chanta Di tanti palpiti ; je l’ai certainement entendu chanter plus mal ailleurs. À peine eut-elle fini, que les hommes envahirent le cercle des dames ; chacun prit sa danseuse, et l’on commença une contredanse espagnole. C’est une fort