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après l’avoir vu suspendre les chambres, s’agiter dans les intrigues de cour et assister impuissant ou complice aux tristes développemens de ce qui prit alors le nom de question du palais. Le général Serrano était, on le sait, en grande faveur auprès de la reine. Et quel était l’homme qui venait remettre la dignité dans le palais de Charles III, rouvrir les assemblées délibérantes et relever le gouvernement de l’Espagne à la hauteur d’une politique assurée et vigoureuse ? C’était celui qu’on appelait un soldat. Ç’a été là, sans nul doute, une des crises les plus graves qu’ait eu à subir la politique modérée en Espagne depuis 1843. Comment le général Narvaez se trouvait-il appelé à dénouer cette crise ? C’est qu’elle était simplement insoluble pour tout autre, faute d’une autorité et d’une décision suffisantes. Le général Narvaez, ambassadeur en France alors, arrivait à Madrid avec la pleine confiance de la reine-mère, dont les conseils assurément devaient être décisifs ; il s’appuyait sur un parti puissant rattaché à lui devant le péril par un esprit nouveau de discipline, et il était rappelé par un des principaux personnages qui occupaient la scène, le général Serrano, qui, après quelques hésitations, se remettait entièrement entre ses mains. Un ministère défaillant, dans l’espoir de réveiller un vieil antagonisme, ouvrait, il est vrai, au dernier moment les portes de l’Espagne au duc de la Victoire ; mais, par une ironie de la fortune, le général Narvaez se trouvait déjà président du conseil pour recevoir l’ancien régent ; il était redevenu l’homme nécessaire d’une situation nouvelle au-delà des Pyrénées.

La crise intérieure ramenait invinciblement le général Narvaez au pouvoir ; mais il y avait un événement qui allait le rendre bien plus nécessaire encore et imprimer à son rôle le caractère d’un rôle que j’oserai dire européen : c’est la révolution de 1848. L’Espagne était peut-être le premier pays où il semblait que la révolution de février dût avoir son retentissement, en raison des liens des deux gouvernemens et des analogies apparentes du moins des partis politiques ; c’est le seul pays où elle n’ait point eu de contre-coup sérieux, non que la révolution ne s’y soit montrée, soit en s’appuyant de l’influence morale des événemens de France, soit avec le secours direct et ostensible d’un autre gouvernement étranger, de l’Angleterre, soit en cherchant à réveiller quelques étincelles de la guerre civile carliste ; mais chacune de ces tentatives a eu à essuyer une défaite aussi prompte que décisive.

Quelle était alors la situation de l’Espagne ? Du côté de la France, à la place d’un appui surgissait une menace ; du côté de l’Angleterre, lord Palmerston, par une note rendue publique, signifiait en quelque sorte son indignité au cabinet de Madrid. Au sein du pays, les passions s’agitaient et se préparaient à faire sortir une révolution nouvelle de ce concours étrange de complications. Le mérite du gouvernement