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les pays. L’opposition modérée espagnole, vers laquelle M. Isturitz lui-même a semblé pencher parfois, dont M. Pacheco a été le chef le plus réel et le plus éminent par le talent, dont M. Salamanca était le financier, et où figurait M. Escosura avant d’être simplement progressiste, comme il l’est aujourd’hui, n’avait en elle-même rien de bien révolutionnaire ; c’était un petit parti composé de moins de trente membres quand l’armée était au complet, méticuleux, faisant de la politique avec des nuances, des individualités et des griefs, et prétendant surtout être toujours modéré en se séparant à chaque occasion des modérés. S’agissait-il de réformer la constitution en 1845 ? — La coterie des dissidens se déclarait ouvertement contre des modifications qui ne tendaient qu’à mettre la loi fondamentale en rapport avec l’état du pays. — Le parti modéré avouait-il hautement ses préférences pour la France ? — Elle faisait des discours où ces inclinations étaient transformées en dépendance et en servilité à l’égard du gouvernement français. — Était-il question de la réforme des impôts entreprise par M. Mon ? — Elle harcelait le courageux ministre. Un de ses griefs les plus vifs contre le général Narvaez, c’est que le président du conseil représentait dans le gouvernement la prépondérance du pouvoir militaire. L’opposition modérée ne songeait pas à se demander comment il se fait que des situations de ce genre se produisent dans un pays, si ce n’est point la force des choses qui les crée au lieu de la volonté ambitieuse d’un homme, et si ce n’est point encore un bonheur lorsque c’est la meilleure cause qui se trouve dans les mains les plus vaillantes.

Ce n’était point devant ces hostilités directes qu’était tombé le général Narvaez en 1846 ; ce n’était point non plus, comme on a pu le croire, sur une question spéciale, le mariage de la reine, ou plutôt cette question n’était qu’un prétexte. La vraie cause de sa chute, on ne l’a point dite : Narvaez était tombé devant une de ces inquiétudes qui naissent dans les partis, lorsque, rendus à une vie plus régulière, ils sentent encore à leur tête un chef énergique et résolu. Le parti modéré lui-même, à vrai dire, commençait à trouver que c’était assez long-temps être commandé par un soldat, lorsque la guerre avait cessé. De là un certain penchant à laisser se produire les griefs centre le pouvoir militaire. C’est par ce côté que l’opposition espagnole est le mieux parvenue, à cette époque, à faire son chemin, en irritant quelques malaises et quelques mécontentemens de circonstance dans l’ensemble du parti modéré ; c’est aussi à travers la brèche laissée ouverte par la retraite du président du conseil que les dissidens conservateurs pouvaient arriver au pouvoir en 1847, avec les ministères successifs de M. Pacheco et de M. Salamanca. Le malheur de ce parti, c’est de s’être appelé puritain ; le dernier reproche qu’on puisse lui faire aujourd’hui, c’est évidemment celui de puritanisme,