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ses femmes qui se dévouaient elles mêmes. Ibn-Fozlan donne de longs détails sur les cruautés, les obscénités et les incidens bizarres auxquels ces cérémonies donnaient lieu.

Le goût des pérégrinations était devenu à cette époque général parmi les musulmans, et trouvait plus de facilité à se satisfaire que dans l’Europe chrétienne. En Orient, étaient moins morcelés ; la féodalité n’y avait pas élevé ses innombrables barrières, et dans cette vaste étendue de pays qui avaient accepté une même loi religieuse, celle du Koran, le musulman rencontrait partout sympathie pour sa foi, déférence et respect pour son savoir, s’il était homme de science. Deux voyageurs, Alestakhry et Ibn-Haukal, sans sortir des limites où s’était propagé l’islamisme, y trouverent le sujet de deux ouvrages qui méritent une mention particulière. Le scheïk Abou-lshak, dit Alestakhary, parce que la ville d’Estakhar ou Persépolis l’avait vu naître, promena ses observations depuis l’Inde jusqu’à Atlantique. Vers l’an 951, il les consigna dans son Livre des Climats. Ce traité est purement descriptif et omet les degrés de longitude et de latitude. Il commence par l’Arabie, ce berceau de l’islamisme, où s’élève le temple de la Kaaba, ce lieu saint vers lequel chaque année tendent les pas des pèlerins musulmans de toutes les parties du monde. Chaque chapitre est accompagné d’une carte coloriée, mais dépourvue de graduation.

Ibn-Haukal (Mohammed Aboul Kassem) était originaire, comme Massoudi, de Bagdad. Il nous apprend lui même qu’il sentit de bonne heure le goût le plus vif pour la lecture des relations de voyages. Rien ne lui plaisait plus que la peinture des mœurs et des usages des nations étrangères, que le tableau des sciences et des productions des diverses contrées. À cette époque, les successeurs dégénérés d’Almansour de Haroun-Alraschid et d’Almamoun avaient perdu presque toute leur autorité, et leur capitale, tombée au pouvoir des généraux turks, était à la merci d’une soldatesque effrénée. Au milieu de ces désordres, Ibn-Haukal se vit dépouillé d’une partie de la fortune, que lui avaient léguée ses ancêtres. Jeune encore et à l’âge des illusions, il résolut de s’expatrier et de visiter les lieux les plus renommés, dans le désir de satisfaire sa curiosité naturelle, et avec l’espoir, tout en menant une vie indépendante, d’accroître sa fortune par des opérations commerciales. Ses courses, qu’il commença en 943, et continua jusqu’en 968, embrassèrent l’entière étendue des possessions de l’islamisme ; elles furent toutes faites par la voie de terre, car rien ne donne à penser qu’Ibn-Haukal se soit jamais hasardé en mer. La répugnance des musulmans à s’engager dans les pays où règne un autre culte que le leur tient à ce que ces pays sont presque tous exposés à une température rigoureuse que supportent difficilement des hommes nés la plupart dans des climats chauds ou tempérés ; elle provient aussi de la difficulté très gênante pour eux de s’acquitter dans ces pays des ablutions imposées par la loi religieuse. Le traité d’Ibn-Hauzal est calqué sur celui d’Alestakhry ; c’est la même division de matières, et souvent les mêmes expressions, mais avec cette différence que le récit d’Ibn-Hauzal est plus développé et écrit d’un style cadencé et rimé qui, tout en trahissant les prétentions littéraires de l’auteur, jette quelquefois de l’obscurité sur sa pensée.

Un écrivain du XIIIe siècle Yacout (le Rubis) se distingua dans un genre de