Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 9.djvu/926

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des rapports de l’homme avec Dieu ; c’est là, dit M. Nicolas par une expression d’une juste éloquente, « la pierre d’achoppement du déisme qui forme la pierre d’attente du christianisme. » Rien ne peint mieux l’état des grandes vérités rationnelles séparées de toute révélation religieuse. Ce sont des pierres d’attente à qui manquent encore le chapiteau qui doit les couvrir, l’enceinte qui doit les enfermer et les unir. Elles sont majestueuses et fortes, mais elles attendent pendent interrupta, et, en attendant, l’orage les ébranle incessamment, et nul être animé n’y saurait trouver un abri.

Ce sentiment du vide, de l’incomplet et par conséquent de l’attente, qui est le produit analytique, d’une raison perfectionnée, c’était chez les peuples de l’antiquité le cri pressant d’un besoin vague. La raison, parmi nous, quand elle a fait toute son œuvre, cherche encore quelque chose. Les nations antiques, ballottées entre leurs croyances grossières et leurs sciences confuses, attend aient quelqu’un. M. Nicolas démontre avec un luxe de recherches tout-à-fait curieux que l’attente d’un médiateur entre Dieu et l’homme est le grand fait moral des nations antiques. Cette observation, déjà faite en passant par quelques écrivains profanes, a pris, sous la plume de M. Nicolas, un relief inattendu. On voit que cette attente se reproduisait sous mille formes raisonnées ou poétiques, dans les fables courantes comme dans les spéculations de la philosophie, depuis le second Alcibiade, invoquant avec un désir ardent celui qui doit venir nous instruire de la manière dont nous devons nous comporter envers les dieux et envers les hommes, jusqu’à ces prophéties juives qu’un calendrier, et prédisent (c’est encore M. Nicolas qui parle) le lever d’un médiateur comme le lever d’une planète. Mais laissons l’écrivain lui-même résumer avec éloquence le tableau de cette longue attente du genre humain : l’humanité avant Jésus-Christ va nous apparaître comme une de ces grandes statues grecques dont l’œil triste et vague regarde venir.

« Comme les formes indécises et fantastiques que revêt un objet pendant la nuit se précisent et font place à sa réalité devant le jour, ainsi toutes les traditions religieuses du genre humain sont venues se rectifier et se rejoindre dans le grand médiateur des temps comme des choses, et y reprendre l’unité primitive d’où elles avaient divergé par tout l’univers. L’humanité a pu dire à Dieu ces belles paroles de saint Augustin : Je fus coupé en pièces au moment où je me séparai de ton unité, pour me perdre dans une foule d’objets ; tu daignas rassembler les morceaux de moi-même. Jésus-Christ est tout ce qu’ont désiré les nations, tout ce qu’elles ont rêvé sous des noms divers, et à travers des images plus ou moins grossières et impures… Il est la réalisation de cette espérance restée au fond de la boîte de Pandore, pour réparer tous les maux qui en étaient sortis. Il est cet Epaphus,