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enfant promis, qui devait naître miraculeusement de la vierge Io, pour délivrer l’homme enchaîné de ce vautour rongeur auquel une femme-serpent avait donné l’être. Il est ce dieu de l’Olympe, ce cher fils d’un père ennemi, qui devait souffrir pour succéder d nos souffrances. Il est cet Orus, descendant d’Isis, qui devait surmonter sans le détruire le serpent Tiphon, d’après les Égyptiens, et qui devait maître d’Isis vierge, d’après les Gaulois. — Il est le véritable Hercule qui devait tuer le dragon, et rendre aux hommes les fruits d’or de ce merveilleux jardin, d’où ils étaient exclus. — Il est le Mithra des Perses, ce médiateur vainqueur d’Ahrimane, qui, jusqu’à ce qu’il soit venu, comme dit Plutarque, ouvrer, faire et procurer la délivrance des hommes, a chômé cependant, et s’est reposé un temps non trop long pour un Dieu. — Il est le Wischnou des. Indiens, dont l’incarnation devait guérir les maux faits par le grand serpent Kaliga ; — Le Genteolt des Mexicains, qui devait triompher de la férocité des autres dieux, apporter une réforme bienfaisante, et combattre la couleuvre qui avait séduit la mère de notre chair ; — le Puru des Salives d’Amérique, qui devait faire rentrer en enfer le serpent qui dévorait les peuples. — Il est enfin le dieu Thor ? premier-né des enfans d’Odin, et le plus vaillant des dieux, qui devait livrer un combat particulier au grand serpent Migdare, et laisser lui-même la vie dans sa victoire. Loin toutes ces grossières images, dit Tertullien, loin ces impudiques mystères d’Isis, de Cérès et de Mithra ! Le rayon de Dieu, fils de l’éternité, s’est détaché dés célestes hauteurs.. c’est le Λογος de Platon le docteur universel de Socrate, le saint de Confucius, le monarque des sibylles, le roi si redouté des Romains, le dominateur attendu par tout l’Orient, la victime des victimes qui devait mettre un terme à tous les sacrifices, le vrai médiateur et le vrai christ[1]. »

Nous avons cité ce morceau en entier pour donner à la fois une idée et du genre de talent de M Nicolas et du procédé habituel de son argumentation. Cette manière chaleureuse de s’assimiler les idées et jusqu’aux expressions des penseurs les plus divers, de les entraîner dans un mouvement original, est la qualité distinctive qui règne d’une bout de l’ouvrage à l’autre. Il y a eu rarement, au service d’une foi dicte et jalouse, un esprit plus ouvert à la vérité sous toutes ses formes, plus prompt à l’accueillir, à la ramasser pour ainsi dire partout où il la rencontre, plus humain dans ce sens qu’aucun mode de sentir ou de penser de l’humanité ne lui semble étranger. Il va cherchant les traces de cette soif de Dieu que la raison éprouve sans pouvoir l’apaiser, à travers les océans et les âges, d’une plage du monde à

  1. M. Nicolas, 2e vol., liv. Ier, chap. VI.