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III

Les procédés que nous avons analysés ne se prêtent pas tous également à une application facile et profitable. Il reste donc à en comparer les avantages respectifs, pour arrêter l’ensemble de mesures que devront adopter les pisciculteurs.

Le premier soin à prendre, lorsqu’on veut peupler une rivière ou un étang, c’est de chercher quelles sont les espèces de poisson qui s’accommoderont le mieux des conditions qui s’y trouvent réunies. Si l’on ne veut pas s’exposer à de trop sûrs mécomptes, il faut avant tout que la nature, la température habituelle, la profondeur et les diverses qualités des eaux à ensemencer s’accordent avec les besoins, les instincts, les habitudes et le genre de vie des animaux qui s’y développeront. Ces recommandations se trouvent dans tous les livres, mais on ne saurait trop les rappeler : c’est bien certainement pour avoir négligé de telles convenances, ou pour les avoir mal appréciées, que certains pisciculteurs ont vu échouer leurs tentatives, alors qu’elles étaient d’ailleurs habilement exécutées.

Lors donc qu’on aura pour ainsi dire étudié son terrain à l’avance, et qu’on aura déterminé quelle sorte de poisson a le plus de chance d’y prospérer, on ne devra chercher à se procurer les étalons nécessaires à la multiplication des espèces choisies qu’à l’époque même de la fraie, car très souvent les produits s’altèrent dans le corps des poissons que l’on condamne à une étroite captivité. Cet inconvénient ne se présente pas si l’on peut mettre ces animaux en réserve dans des viviers attenant aux rivières ou aux étangs dans lesquels on les a pêchés. Autrement on les tiendra à l’attache dans les lieux mêmes où ils vivaient. Il est important, avant d’effectuer la fécondation, de tenir compte de la température de l’eau, qui influe si puissamment sur la propriété de la laitance, comme l’a si bien montré M. de Quatrefages, et probablement aussi sur la vitalité de l’œuf lui-même. Quoique M. Vogt ait vu prospérer des œufs de palée[1] après qu’ils avaient été pris dans la glace, ce froid extrême suffit ordinairement à les faire périr.

La récolte des élémens mâle et femelle doit se faire à diverses reprises et en plusieurs jours. Il parait utile, dans beaucoup de cas, de soustraire les produits à toute influence extérieure, et de ne pas les tirer de leur milieu naturel. Pour cela, on prend une femelle et un mâle qu’on incline l’un auprès de l’autre à la surface de l’eau. On les arque faiblement en dessus, ce qui produit une contraction vive et suffit ordinairement à déterminer l’écoulement

  1. Genre voisin des saumons.