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pouvoir en toute confiance recommander à l’attention des gens blasés à la recherche d’émotions fortes. En 1836, le guide s’étant trompé de route, au lieu d’arriver à la station du matin à sept heures, l’on n’arriva qu’à midi. Pendant ce court espace de temps, il succomba sous les atteintes de la soif et de la chaleur. « Je voyais la caravane fondre sous mes yeux comme la neige sous les rayons d’un soleil d’été, » me disait mon informateur dans la pompe métaphysique et effrayante de son langage oriental.

L’organisation de la caravane de Damas est poussée à un certain degré de perfection que l’on rencontre rarement dans les choses publiques de l’Orient. Des entrepreneurs ou mougres de la caravane, c’est là leur titre officiel, patronés par le gouvernement turc, se chargent de transporter les voyageurs et les marchandises moyennant des prix déterminés à l’avance par le conseil d’administration de Damas. Ces industriels patentés sont au nombre de quatre, et reçoivent du trésor public des avances assez considérables pour pourvoir aux avances qu’ils sont obligés de faire pour l’achat des chameaux, des grains, des objets de campement nécessaires au service des pèlerins.

Le prix des moyens de transport pour l’aller, variable chaque année, a été fixé pour la présente caravane à 700 piastres pour un chameau de monture ou une charge de 125 ocks de marchandises (environ 300 livres), à 2,250 piastres pour un ashab, et 4,250 piastres pour un tartarawan. Outre les moyens de transport, les entrepreneurs doivent fournir aux pèlerins de l’eau à discrétion autant que possible et l’abri d’une tente pour cinq ou six personnes. Les pèlerins riches, par des conventions particulières, s’assurent le comfort d’une tente privée.

Pour satisfaire à ces divers engagemens, les entrepreneurs doivent réunir de très grands moyens, personnel et matériel, d’abord des minière de chameaux : chaque ashab demande deux chameaux qui font le service alternativement, les tartarawans en réclament quatre; puis viennent les animaux nécessaires pour le service de monture des pèlerins, du bagage, des tentes, etc. Le personnel de serviteurs attaché à chaque entreprise s’élève aussi souvent à plusieurs milliers, car dans ce pays les fonctions domestiques se subdivisent à l’infini comme dans l’Inde. Les mougres de la caravane doivent donc avoir à leur solde des domestiques dont les fonctions spéciales sont de dresser et de plier les tentes; d’autres sont responsables du service de l’eau; ceux-là servent de palefreniers aux chameaux et sont attachés par groupes de; quatre à chaque escouade de vingt animaux. De plus, chaque tartarawan est accompagné de quatre porteurs de torche et d’un domestique. Le conducteur qui précède chaque ashab joint à cette fonction celle de porteur de fanal, (les domestiques au