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LES


BUVEURS D’EAU


SCÈNES DE LA VIE D’ARTISTE.[1]





HELENE.





IV. — LE GRAND I VERT.

On se rappelle peut-être la commune impression d’enthousiasme dont Antoine et Hélène s’étaient sentis pénétrés à la vue de l’Océan. L’arrivée au port vint apporter une distraction à ce charme singulier auquel ils se livraient avec un égal abandon. Peut-être les deux jeunes gens ne suivirent-ils pas sans regret les derniers tours de roue qui amenaient le remorqueur au lieu où ils devaient se quitter, peut-être éprouvèrent-ils et en même temps une sensation pénible lorsque le bruit tumultueux de la cité vint leur annoncer que le moment était arrivé où ils allaient redevenir l’un pour l’autre ce qu’ils étaient la veille, des étrangers. Lorsqu’ils furent descendus sur le quai, Hélène et Antoine se surprirent à regarder presque tristement le bateau sur lequel était née une sympathie dont le premier et unique chaînon devait se rompre à l’instant même où tous deux en constataient l’existence.

Soit par crainte de montrer quelque embarras, soit qu’il leur répugnât de se séparer sur quelques paroles froidement polies, ils se

  1. Voyez la livraison du 15 novembre 1853 et celle du 15.mars 1854.