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Code Albertino, — qui a le mérite de résumer quelques-uns des progrès les plus notables, de simplifier les transactions, d’appliquer des règles communes à tout le pays, de créer l’égalité devant la loi civile et devant la loi pénale. Charles-Albert dépouillait la royauté de ce triste droit, revendiqué et exercé sous les règnes précédons, de suspendre par un simple billet royal l’action de la justice, et il assurait l’indépendance de la magistrature. Il créait les conseils provinciaux, cet élément premier du régime représentatif, « pour pouvoir, disait-il, entendre la voix et les désirs de son peuple. » Dans l’île de Sardaigne, il abolissait le droit féodal, qui régnait encore et qui pesait sur cette petite population. Sur tous les points du Piémont, il multipliait les travaux et les entreprises, créant des industries nouvelles et fécondant par une intelligente protection celles qui existaient. À Turin, il élevait des monumens grandioses comme celui d’Emmanuel-Philibert, dans la double pensée d’ouvrir aux arts une nouvelle carrière et de raviver le souvenir des gloires nationales.

On pourrait dire que dans ces années le Piémont, sans nulle apparence d’agitation, marchait lentement dans une voie laborieuse et féconde de transformation. C’est dans ce sens qu’on peut reconnaître, comme le disent M. Cibrario et M. Gualterio, que les réformes accomplies plus tard par Charles-Albert étaient dès le premier moment en germe dans son esprit, comme la conséquence simple et logique d’un travail patient poursuivi au milieu de nombreuses et puissants résistances. Vienne après cela l’occasion d’étendre le champ de l’action publique, d’élargir la base des institutions, de compléter les réformes civiles par des réformes d’un autre genre : — le Piémont, graduellement acheminé vers un ordre nouveau, y pourra marcher non sans danger, mais sans aller sombrer dans la plus triste anarchie, de telle manière que, sous des formes absolutistes, le principe du gouvernement de Charles-Albert était réellement une pensée de progrès civil, explicitement avouée par le roi lui-même, et qui devait tendre à un résultat politique en brisant l’enveloppe dans laquelle elle était enfermée encore.

La passion de l’indépendance italienne était l’autre mobile fixe et tout-puissant de l’âme de Charles-Albert. Et comment cette passion ne se serait-elle pas résumée dans un sentiment prononcé d’hostilité contre l’Autriche ? Que M. délia Margarita, dans son Mémorandum, montre le cabinet de Turin prenant parti pour don Carlos et dom Miguel ; que le roi sarde lui-même se plaise à favoriser les tentatives de Mme la duchesse de Berry en France dans les affaires de 1832, — ce n’est qu’une énigme de plus de ce singulier caractère. Rien de tout cela n’est la politique de Charles-Albert, parce qu’en tout cela il n’y a nulle passion, et que la véritable politique de Charles-Albert, c’est