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religieux aura été observé et décrit à la lumière d’une foi raisonnée et fervente, et sous ce rapport nous croyons qu’il reste peu de chose à dire après le nouvel historien.

À ce point de vue également, la révolution luthérienne domine encore toutes les autres. Zwingle donna à sa réforme un caractère républicain et guerrier comme lui. En France, l’aristocratie s’empara presque aussitôt de la cause évangélique pour en faire non pas un prétexte, mais un motif et une absolution de la guerre civile. Dans la pratique Angleterre, une révolution ne saurait se borner à l’ordre spirituel, et la politique y joue bientôt le grand rôle ; mais Luther, malgré la sagacité qu’il portait dans les affaires humaines et l’appui qu’il sut se ménager parmi les puissans du monde, tint toujours l’esprit et la parole pour ses premières armes, brisa les autres autant qu’il le put, n’en souffrit qu’à regret l’emploi, et, véritable enfant de la méditative Allemagne, ambitionna constamment de rester, dans toute la rigueur du terme, un réformateur religieux. Quoique zélé calviniste, M. Merle d’Aubigné, qui du reste n’est pas encore arrivé à l’époque du législateur de Genève, se complaît dans la peinture du grand moine de Wittemberg, et, sans dissimuler quelques-unes de ses fautes, il ne cache pas pour lui une prédilection pleine d’admiration et d’enthousiasme.

On commence ordinairement la réformation à la querelle des indulgences ; on oublie qu’à l’époque où cette querelle prit naissance (1517), Luther et même Zwingle avaient déjà conçu, chacun de son côté, mais Luther avec une plus claire conscience de son œuvre, la pensée fondamentale de la doctrine évangélique.

Cette pensée, ou le principe de la réformation, ce n’est pas une certaine théorie de la constitution de l’église, ce n’est pas telle ou telle doctrine touchant l’eucharistie et les autres sacremens, ce n’est pas davantage la haine des excès de la puissance pontificale, encore moins un esprit général d’innovation et de résistance à l’oppression, encore moins, s’il est possible, l’idée d’opposer la raison à la foi, ou même l’examen à l’autorité. Le principe de cette révolution religieuse est religieux et non révolutionnaire. C’est le principe de la justification par la foi, et seulement par la foi. Sans faire de théologie, nous sommes forcé de rappeler brièvement ce que signifient ces mots, car on parle aujourd’hui de la religion plus qu’on ne la connaît.

Tout le monde a entendu dire : « Il n’y a que la foi qui sauve. L’Évangile nous prescrit de nous haïr nous-mêmes, de nous humilier dans notre néant. Il nous enseigne que nous ne sommes que corruption et péché, que nous ne pouvons rien par nos propres forces, que tout nous est donné par le Sauveur. » Ces expressions et d’autres semblables sont, je crois, chrétiennes. Cependant, si on les prenait