Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/1214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très bien maintenant en avoir entendu parler. Pourquoi ? Est-ce que tu as envie de te mettre sur les rangs ?

— C’est-à-dire oui et non, Josillon ; vous entendez bien.

— Ah ! quant à ça, je t’en fais mon compliment. Depuis Villeneuve, ce serait vraiment dommage de t’en priver, car tu es là tout à la main pour une pareille besogne. Rien que trois lieues pour aller et trois lieues pour revenir, c’est une bagatelle ! Mais, par exemple, si c’est comme cela, je te conseille de faire faire des bœufs à la vapeur.

— Mais, bon Dieu ! il ne s’agit pas de tout cela, Josillon ; vous comprenez bien qu’une idée en peut amener une autre.

— Ah bien ! voyons un peu l’autre, maintenant.

— Eh bien ! l’autre… c’est-à-dire, Josillon, tenez… avec vous, on peut parler franchement, n’est-ce pas ? Je sais bien que vous n’aimez pas trop les voituriers ni le voiturage.

— Tu l’as dit, mon ami.

— Eh bien ! à vous parler franchement,… ni moi non plus.

— Ah çà ! mais, si tu n’aimes pas le voiturage, pourquoi donc est-ce que tu voitures ainsi tous les jours que le bon Dieu donne ?

— Pourquoi ? pourquoi ? Mon Dieu ! voyez-vous, Josillon, il faut bien faire quelque chose ; mais maintenant c’est dit. J’ai mon idée. Si je peux en venir à bout, vous verrez que je ne plaisante pas.

— Et ton idée, c’est pour le balayage ?

— Justement, Josillon.

— Ah bien ! par exemple, il me tarde de voir comment tu vas t’y prendre ?

— Oh ! ma foi, je. sais bien que ça n’ira peut-être pas du premier coup comme sur des roulettes. Vous comprenez qu’il faut d’abord avoir l’adjudication, primo ; secundo, il faut venir s’établir à Salins ;… tertio, pour venir s’établir à Salins…

— Et tes champs de là-haut ?

— Oh ! les champs, ils sont aussi dans l’affaire… Quand je vous dis que j’ai mon idée.

— Eh bien ! voyons ton idée. Tertio ? tu en étais à tertio.

— Tertio, pour venir s’établir à Salins, il me faut… Savez-vous bien quoi, Josillon ?

— Une femme peut-être ?

— Vous avez mis le nez dessus, Josillon.

— Oh ! s’il ne te manque plus qu’une femme, il y en a partout à revendre.

— C’est-à-dire,… Josillon, vous comprenez bien. Ce n’est pas tout à fait une de celles qui sont à revendre que je voudrais…

— Oh ! pour cela, je ne dis pas.

— Vous comprenez bien, je voudrais une femme rangée…

— C’est juste.

— Travailleuse…

— Est-ce que tu comptes la mettre au balayage, par hasard ?

— Oh ! jamais de la vie. Moi, je suis d’avis qu’il faut que les femmes restent au logis. Les gros ouvrages ne sont pas faits pour elles. Je voudrais une femme qui eût aussi quelques petites choses…