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monde lira ces Biographies ; pour moi, qu’il me soit permis de remercier particulièrement le digne biographe. Depuis longues années, il s’associe à ma tâche de la façon la plus amicale, et il excite mes efforts en les prévenant. Je le range parmi ceux qui ont le talent et la volonté de fonder l’unité littéraire de notre nation. »

Un historien pénétrant et sympathique, un biographe habile à détacher de vivantes figures, un écrivain appelé, selon le témoignage de Goethe, à fonder mieux que personne l’unité littéraire de la nation, tel se montrera de plus en plus M. Varnhagen d’Ense. Comme le dernier volume des Monumens biographiques justifie avec éclat les éloges du poète de Weimar ! Ce volume contient un magnifique portrait du comte Zinzendorf. Le comte Zinzendorf, dont le nom est à peine connu en France, a exercé en Allemagne une influence extraordinaire. C’est lui qui a fondé cette société des frères Moraves où tant d’âmes pieuses ont trouvé depuis cent ans et trouvent aujourd’hui encore de si précieuses consolations. L’institution des frères Moraves est certainement un des grands faits de l’histoire intellectuelle et morale de l’Allemagne pendant le XVIIIe siècle. Habitué à associer tous les contraires et à comprendre toutes les manifestations de l’humaine nature, M. Varnhagen d’Ense a peint la papauté mystique du comte Zinzendorf comme si la sympathie et la foi, éclairant son esprit, lui eussent livré tous les secrets de cette grande âme. Ce qui l’inspire, ce n’est pas la foi aux idées particulières du comte Zinzendorf, à son monachisme protestant, à cette espèce de communisme social placé sous l’invocation de l’Evangile, et où toutes les actions humaines, celles-là même qui exigent le plus chaste mystère, sont réglées et surveillées par une autorité jalouse ; non, ce n’est pas cette foi-là qui l’inspire, mais la foi à tous les élans de l’âme vers la Divinité, la sympathie pour tout ce qui tend à réveiller, à fortifier, à organiser ici-bas la vie religieuse.

M. Varnhagen ne pouvait mieux terminer ses Monumens : des aventuriers il était allé aux chefs d’armée, et de ceux-ci aux poètes ; il lui restait à parler des hommes qui ont vécu surtout de la vie de l’âme. Et là encore, c’était l’action qui l’intéressait plutôt que la contemplation stérile ; si le comte Zinzendorf est un mystique, c’est un mystique qui a voulu pratiquer ses doctrines, un mystique qui a cherché le gouvernement des âmes et qui, au prix de sacrifices inouïs, s’est créé sur une communauté nombreuse une dictature sans exemple. Depuis le comte de Lippe et le roi Théodore jusqu’au fondateur des frères Moraves, les Monumens biographiques de M. Varnhagen nous montrent, comme dans une lumineuse progression, tous les degrés de la vie active. Nous étions partis du camp de l’aventurier ; nous voici dans les mystiques splendeurs avec un