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Aujourd’hui on ne compte pas moins de quatre traités ou conventions en vigueur entre la Belgique et la France : un traité de navigation, conclu le 17 novembre 1849 ; une convention littéraire et une convention commerciale en date du 22 août 1852 ; enfin le traité du 27 février 1854. Il n’est pas inutile d’examiner le sens et la portée de ces différens actes diplomatiques. Cet exposé nous permettra de considérer dans leur ensemble les négociations qui ont été, à plusieurs époques, engagées entre les deux gouvernemens, d’apprécier la politique commerciale suivie à Paris et à Bruxelles, et de faire ressortir la gravité des intérêts qui, de part et d’autre, viennent de recevoir satisfaction.


I

Avant la révolution qui triompha à Bruxelles en septembre 1830, le tarif hollandais, appliqué aux produits français sur les frontières de la Belgique, était très rigoureux. Si le gouvernement des Pays-Bas n’avait consulté que l’intérêt de ses anciennes provinces, il serait demeuré fidèle, en matière de législation douanière, aux traditions nationales qui s’étaient de tout temps prononcées en faveur de la liberté des échanges : en effet, la Hollande, nation maritime, pays d’entrepôt et de transit, devait naturellement ouvrir ses ports et ses frontières aux produits étrangers ; mais, après l’annexion des provinces belges, le gouvernement eut à tenir compte des nombreux intérêts manufacturiers qui invoquaient son appui. Les Pays-Bas n’étaient plus seulement une nation maritime ; ils étaient devenus nation industrielle, et ils se virent peu à peu, par la force des choses, conduits à employer, au profit des manufacturiers belges, le mécanisme de la protection. Lors même que les convenances politiques ne leur auraient point conseillé de ménager, dans leurs nouvelles possessions, une industrie qui était née et qui avait grandi sous la domination de l’empire, ils auraient eu un intérêt direct à favoriser en Belgique le développement de la richesse manufacturière, qui devait faciliter sur le marché de la métropole le placement des produits de Java. Il existait donc entre la Hollande et les provinces belges une sorte de contrat, dont l’exécution pouvait blesser les opinions économiques des armateurs d’Amsterdam, mais qui en même temps cimentait par la fusion des intérêts l’alliance des deux peuples que les destins de la guerre et la volonté de l’Europe avaient replacés sous les mêmes lois.

Aussi le cabinet de La Haye s’empressa-t-il de saisir le premier prétexte qui s’offrit à lui pour écarter du marché belge la concurrence française. Les mesures de douane prises par la France en 1822 et 1823 avaient aggravé le tarif des bestiaux et des laines, et les chambres de la restauration ne dissimulaient pas leurs tendances prohibitionistes. Cette politique regrettable, dont aujourd’hui encore nous portons la peine, devait provoquer des représailles. L’Allemagne riposta à la législation de 1822 par l’établissement de droits très élevés sur nos produits. Les Pays-Bas s’émurent de même, et un arrêté du 20 août 1823 dressa contre nous une barrière de prohibitions et de surtaxes que nos principales marchandises ne pouvaient plus franchir. Dès ce