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que ces premiers revers leur inspiraient : ils saccagèrent leurs villages, y mirent le feu et chassèrent les populations au-delà de l’Araxe. Paskévitch défit pour la troisième fois les Persans, commandés par le prince royal Abbas-Mirza, auprès de la forteresse de Djéyan-Boulad, qui tomba en son pouvoir. Serdar-Abad et bientôt après Érivan, ainsi que les villes de Maraud et de Tauris, dans l’Aderbeïdjan, eurent le même sort. Alors l’empereur crut devoir proposer la paix; mais le schah repoussa d’abord ces ouvertures. Cependant les Russes lui ayant enlevé les forteresses d’Ourmia et d’Ardébil, il céda, et, par le traité de Tourkmantchaï[1], il consentit l’abandon de tout le territoire qui s’étend entre le Kour et l’Araxe, du khanat d’Érivan, tant en-deçà qu’au-delà de ce dernier fleuve, du khanat de Nakhitchévan, ainsi que des plaines du Mougan jusqu’au port de Lenkeroun, laissant ainsi à la Russie la domination exclusive de la mer Caspienne. L’article 14 de ce traité portait que les sujets respectifs des deux parties contractantes qui auraient passé ou qui passeraient à l’avenir d’un état dans l’autre seraient libres de s’établir ou de séjourner partout où le trouverait bon le gouvernement sous la protection duquel ils viendraient se ranger, nous allons voir tout à l’heure de quelle importance était cette clause pour les rapports des Arméniens avec la Russie et la Perse.

A peine la paix était-elle rétablie entre le schah et l’empereur, que celui-ci crut devoir déclarer la guerre à la porte. Tandis qu’en Europe le maréchal Wittgenstein franchissait le Pruth le 24 avril (6 mai) 1828, Paskévitch, qui commandait en Asie, partait de Gumry le 12 (24) juin avec un corps de 12,000 hommes et 70 pièces d’artillerie, et arrivait sous les murs de Kars. Les Turks se défendirent bravement; mais un corps de 5,000 cavaliers qui gardait les abords de la place ayant été dispersé et les ouvrages avancés ayant été emportés le 23 juin (5 juillet), la citadelle fut "forcée de capituler le même jour. Akhalkalaki et Akhaltzikhe furent enlevées d’assaut. Ardahan, Bayézid, Toprak-Kalé et le fort de Diadine, dans la vallée de l’Euphrate, se rendirent successivement. Le froid, qui commençait à se faire sentir vivement, mit un terme aux opérations militaires, et tandis que les deux armées étaient cantonnées dans leurs quartiers d’hiver, d’immenses préparatifs furent faits de part et d’autre pour la campagne de l’année suivante. La capitale de l’Anatolie, Erzeroum, menacée par le général Bergmann et les autres lieutenans de Paskévitch, était protégée par le seraskier Saleh-Pacha, général expérimenté et de talent, qui était campé sous les murs de cette ville à la tête d’un corps de 50,000 hommes. Les rigueurs de

  1. 22 février (5 mars) 1828.