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Caspienne, reçurent leurs premières colonies. Les invasions qui suivirent celles des Turks seljoukides n’ont fait qu’accélérer ce mouvement d’émigration, qui s’est continué jusqu’à ces derniers temps.

Après treize ans de guerres victorieusement soutenues par Nadir-Schah (Thamasp Khouli-Khan) contre les Ottomans, et terminées par la victoire qu’il remporta entre Kars et Érivan (1746), la Turquie et la Perse firent la paix. Une des clauses du traité qui intervint fut que les limites respectives des deux états seraient rétablies comme au temps de Mourad IV (1622-1640), c’est-à-dire que la province d’Aderbeïdjan et la portion de l’Arménie comprise entre le Kour et l’Araxe jusqu’à Érivan demeurerait à la Perse. Cette division se maintint pendant quatre-vingts ans, période où aucun événement mémorable ne survint en Arménie. Au bout de ce temps, le roi de Perse Feth-Aly-Schah provoqua entre la Russie et lui une collision dont le résultat fut d’imposer à l’Arménie un nouveau maître qui entra en partage avec les deux souverains qui déjà lui dictaient des lois. Au moment où le prince Menchikof se trouvait à la cour de Téhéran, où il avait été envoyé pour notifier au schah l’avènement de l’empereur Nicolas, et tandis qu’il était traité ostensiblement avec tous les égards dus à l’ambassadeur d’une puissance amie, Feth-Aly-Schah faisait sous main des préparatifs de guerre. L’héritier présomptif de la couronne de Perse, le prince royal Abbas-Mirza, entra subitement en Géorgie à la tête d’une armée formidable, dirigée par des officiers anglais de la compagnie des Indes, et envahit les provinces de Karabag, Schirvan et Schekinks. En même temps, le prince Menchikof était retenu prisonnier au mépris du droit des gens. Cette agression, violation flagrante du traité de Gulistan (1812), irrita vivement l’empereur, qui envoya à ses troupes du Caucase l’ordre d’entrer aussitôt en campagne. Le général arménien Madathof (Matathias), qui commandait un corps de l’armée russe sous les ordres du général en chef Yermolof, attaqua les Persans, d’abord auprès de Schamkor, dans le Schirvan, et ensuite auprès de Guendjeh (lelisavethpol), et les refoula en dehors de la ligne des frontières russes. Les vainqueurs ne s’arrêtèrent pas là : ils voulurent par représailles porter la guerre sur le territoire ennemi et pénétrer dans l’Arménie persane. Les habitans, qui depuis longtemps gémissaient sous l’oppression des gouverneurs que leur imposait la Perse, reçurent les Russes avec empressement, et accoururent leiu-porter toutes les provisions nécessaires à l’armée. Au mois de mars, le général Benkendorf, se dirigeant sur l’Araxe, alla s’emparer du village et du monastère d’Edchraiadzin. De son côté, le général Paskévitch, se portant vers le sud, prit Nakhitchévan et vint mettre le siège devant la forteresse d’AbbasAbad. Les Persans firent retomber sur les Arméniens le ressentiment