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Elle doit estre, sire, d’autant plus grande, que j’ai su par d’autres voies que le père Annat a fait ce qu’il a pu pour donner d’autres dispositions à vostre majesté. Je croirois manquer à ce que je lui dois et à ce que je me dois à moi-mesme, si, en prenant la liberté de lui dire qu’elle m’a rendu justice (ce que je dis, sire, sans vouloir affoiblir les grâces que je reçois d’elle), je ne faisois ce qui est en mon pouvoir pour aller au-devant des mauvais offices qu’on me peut rendre en mille autres occasions, puisque, n’y ayant eu nul fondement véritable à ce dernier, par lequel on a essayé de lui rendre ma conduite désagréable, je ne puis jamais estre en sûreté sur mon innocence. S’il suffisoit d’en avoir une très entière à l’égard de vostre majesté, mon repos ne seroit troublé par aucune crainte, car je ne pourrois pas raisonnablement appréhender que le père Annat confondît assez ses intérests avec ceux de vostre majesté pour oser me faire un crime envers elle de ce que je suis amie de quelques personnes que ce père n’aime pas. C’est à cet endroit, sire, que j’ose supplier vostre majesté de se remettre en mémoire plusieurs choses que je me suis donné l’honneur de lui dire, lorsque j’eus celui de lui parler du dessein de ma retraite. Si elle s’en souvient, je ne puis craindre qu’elle ait jamais ma fidélité suspecte, et je penserois mesme pouvoir m’assurer que, si elle prenoit le soin de donner des directeurs à ses sujets, elle n’en pourroit pas choisir de plus propres à les maintenir dans leur devoir vers elle que ceux que ce père trouve si dignes de la colère de vostre majesté, parce qu’ils ont attiré la sienne par la nécessité où il les a jetés de se justifier des accusations qu’il a faites contre eux. La bonté qu’a eue vostre majesté de ne se laisser point persuader par lui me devroit faire espérer qu’il ne fera plus aucune tentative contre moi; mais comme le passé me peut faire craindre pour l’avenir, je supplie très humblement vostre majesté d’agréer que je lui demande de vouloir bien continuer à séparer ce qui ne peut estre joint, c’est-à-dire les choses qui pourront blesser l’attachement que j’ai et que j’aurai toujours pour son service d’avec ce qui déplaist à des gens à qui il est impossible de plaire sans suivre aveuglément leurs maximes, que je confesse à vostre majesté que je n’ai pas cru devoir prendre pour les règles de ma conduite. Je pense, sire, que vostre majesté sait bien que ce sentiment ne m’est pas particulier, et qu’il m’est commun avec la plus grande partie des gens de bien de son royaume.

« Voilà ce que je n’ai pu me dispenser de dire à vostre majesté par la douleur que me causent les entreprises que l’on fait pour diminuer sa bonté Pour moi. S’il ne faut, pour en mériter la continuation, qu’un respect très profond pour sa personne et un attachement très sincère et très inviolable pour son service, j’ose croire qu’elle m’en honorera; c’est la chose du monde que je souhaite le plus.

« Je suis, sire, de vostre majesté, la très humble, très obéissante et très fidelle servante et sujette,

A. G. de BOURBON.

« De Paris, le 6 juin 1668. »


Dans cette même année 1668 et déjà même en 1667, Mme de Longueville, excitée par Mlle de Vertus et secondée par Mme de Sablé, entreprit la grande affaire de la paix de l’église. Elle persuada à