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les tableaux que nous retracent ses anciens historiens à une époque antérieure aux invasions qui ont ruiné son sol généreux.

L’aspect de la nature s’est fortement empreint dans la poésie populaire arménienne, et c’est un des sujets dont elle aime à s’inspirer; mais ce ne sont plus les scènes grandioses ou d’une sombre magnificence de l’Ararad et du Caucase que les bardes modernes se plaisent à décrire. Les malheurs de la patrie ont comprimé l’élan de leur verve; ils ont oublié le ton épique des anciens chantres de Koghthen. Ils inclinent plus volontiers à considérer la nature dans ses harmonies simples et gracieuses, dans ce qu’elle a de mélancolique et d’approprié au deuil de leur âme.

La race qui habite ces régions montagneuses, ou qui en est sortie, y rattache ses origines par la tradition mosaïque qui place sur l’Ararad le berceau du genre humain renaissant après le déluge. Le type particulier à cette race s’est perpétué à travers les siècles aussi indélébile que le type juif chez les enfans d’Israël, quoique les Arméniens ne soient pas comme ceux-ci séparés des autres peuples par une religion exclusive, et qu’ils appartiennent à la grande famille chrétienne. Il est vrai de dire cependant que la nation, du moins sa très grande majorité, s’est constituée en une église à part, qui, longtemps combattue par les théologiens grecs et latins, s’est fortifiée dans un esprit de nationalité qui l’éloigné de toute alliance avec les autres communions chrétiennes. Les Arméniens unis ou catholiques, que des rapports plus fréquens avec les Occidentaux ont dépouillés de ces répugnances, contractent quelquefois de ces sortes d’unions. Quant aux dissidens, il y a une distinction essentielle à faire; ces mariages mixtes sont sans exemples chez les Arméniens de l’empire ottoman, tandis qu’ils ne sont pas rares chez leurs coreligionnaires de Russie ou de l’Autriche.

Dans l’état de dispersion où se trouve maintenant la nation arménienne, il est très difficile d’en évaluer le chiffre total; on peut croire cependant, d’après les calculs qui paraissent le mieux fondés, que ce chiffre est très approximativement de à millions, voici comment il se décompose :

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1° Empire ottoman (Arménie occidentale et méridionale, Asie-Mineure, Syrie et Égypte, Roumélie et principautés danubiennes) 2,500,000
2° Empire russe (Arménie centrale et septentrionale, Géorgie, Schirvan et Daghestan, Russie d’Europe et Pologne) 1,200,000
3° Empire d’Autriche (Gallicie, Bukovine, Transylvanie, Hongrie) 25,000
4° Perse et Aderbeïdjan 150,000
5° Inde continentale et Archipel d’Asie 25,000
Total 3,900,000

En comptant environ 100,000 Arméniens disséminés dans les