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tendaient à détruire toute l’économie de l’œuvre de la rédemption. Les Arméniens, convertis au christianisme dans les premières années du IVe siècle, restèrent jusqu’au milieu du Ve étrangers à ce mouvement de doctrines, se bornant à suivre celles de l’église grecque, alors unie avec Rome. De toutes ces déviations de la foi catholique, les deux qui ont pénétré le plus profondément au sein des populations orientales, et qui ont formé deux communions encore subsistantes de nos jours, les nestoriens et les jacobites, sont celles de Nestorius et d’Eutychès. Le premier, qui occupa le siège de Constantinople de 425 à 430, niait avec Théodore de Mopsueste l’union personnelle ou hypostatique du Verbe avec la nature humaine et supposait la coexistence de deux personnes en Jésus-Christ dans une union apparente. Combattu par le savant patriarche d’Alexandrie saint Cyrille, Nestorius fut condamné dans le concile d’Éphèse (431). A la définition rationaliste de Nestorius, Eutychès, archimandrite de l’un des monastères de Constantinople, essaya d’en substituer une toute contraire et qui fut comme la réaction de cet esprit d’ascétisme contemplatif que les moines apportaient alors dans la pratique et l’enseignement du christianisme. Il soutint que la nature divine et la nature humaine s’étaient confondues dans une ineffable unité en Jésus-Christ, et, comme les gnostiques, que le Sauveur avait revêtu un corps d’origine céleste et d’une essence toute différente de celle de notre humanité. Les doctrines d’Eutychès ne pouvaient manquer de trouver de la sympathie dans l’école d’Alexandrie, dont l’exégèse était dominée par le point de vue mystique et transcendant, et Dioscore, successeur de saint Cyrille, se déclara le champion du moine constantinopolitain. L’un et l’autre furent anathématisés, comme on sait, dans le concile de Chalcédoine (451). À cette époque, les Arméniens étaient soulevés contre le roi de Perse Iezdedjerd II, qui, pour les tenir plus sûrement sous le joug et les éloigner des Grecs, avait résolu de leur imposer le magisme. Occupés à défendre leur liberté religieuse et leur territoire envahi, ils furent empêchés par les perturbations inséparables de cette lutte de prendre part aux débats qui agitaient alors le monde chrétien; ils n’envoyèrent point de représentant au concile de Chalcédoine, et, privés momentanément de toute communication avec les provinces grecques, ils ne purent avoir une connaissance exacte des décisions de cette assemblée.

Les sectateurs de Dioscore et d’Eutychès formèrent bientôt en Orient un parti puissant, actif à propager partout des accusations et des bruits calomnieux contre les pères de Chalcédoine, en les représentant comme les rénovateurs de l’hérésie de Nestorius. Trompés par ces insinuations, les Arméniens crurent devoir rejeter ce concile. L’asservissement complet de leur pays par les Perses, ensuite par les Arabes et les Turks, les efforts que firent les Grecs de leur côté