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catholiques, représentés comme abjurant leurs mœurs et leurs coutumes nationales pour s’affubler de celles de l’Occident. Tout en faisant nos réserves contre l’esprit d’aveugle et intolérante partialité qui a présidé à la conception de cet ouvrage, nous devons dire que les gravures sur bois entremêlées au texte ne manquent ni de gaieté ni de malice. Le dessin et surtout le tirage laissent à désirer, mais ne sont guère inférieurs à nos publications pittoresques à bon marché.

Si nous suivons le progrès de l’activité intellectuelle des Arméniens en dehors de Venise, Vienne et Constantinople, nous verrons qu’elle s’est révélée et exercée partout où se sont portées leurs migrations. A Moscou, l’Institut Lazareff des langues orientales comprend à la fois un établissement d’éducation pour les Arméniens, une académie qui a pour membres les professeurs de cet établissement et les savans étrangers qu’elle s’adjoint, et une imprimerie. Il en est sorti déjà une foule d’ouvrages; d’autres ont été publiés ailleurs, à Moscou, par plusieurs des membres de cette académie. Parmi les plus récens, je citerai une édition améliorée de Jean Catholicos, l’historien de l’Arménie sous le gouvernement des Arabes, donnée par M. Émin; les poésies populaires de Saïat-Nova, tisserand de Tiflis, recueillies par M. Akhverdoff, et la savante Exposition de la foi arménienne, par M. le professeur Messèr.

A la Nouvelle-Nakhitchévan, sur le Don, dans le gouvernement d’Iekaterinoslav, a paru (1792) le Traité d’Astronomie de Jean d’Erzenga, auteur du XIIIe siècle; à Tiflis, le Voyage en Arménie du père Dchalali, religieux du couvent de Sanahin; à Edchmiadzin, la description de ce monastère et des cinq districts de l’Ararad, par le père Schakhatouni, ouvrage précieux parce qu’il contient, ainsi que le précédent, le relevé des inscriptions qui couvrent les ruines des nombreux édifices de la haute Arménie; à Madras, l’Histoire du patriarche saint Nersès le Grand et de l’Arménie sous le règne de l’empereur Valens, par Mesrob, écrivain du Xe siècle, ainsi que l’Histoire de la famille satrapale des Orbélian et de l’invasion mongole, par un membre de cette famille, Etienne, métropolite de la province de Siounik, lequel vivait dans le XIIIe siècle; à Calcutta, le Voyage en Arménie, de M. Mesrob Thaghitian. À cette liste doivent être ajoutées les publications faites à Rome par les élèves arméniens de la Propagande, et qui consistent principalement en grammaires, dictionnaires et livres liturgiques ou de piété.

Je me borne ici à ce petit nombre d’indications bibliographiques, en faisant observer combien le nombre pourrait en être augmenté, puisque l’on compte en Europe et en Asie au moins vingt-deux villes où les Arméniens ont eu ou possèdent actuellement des imprimeries[1].

  1. Voici la liste de ces villes avec la date où les Arméniens y ont importé leur typographie; cette liste a de l’intérêt, parce qu’elle indique les principales localités où se sont étendues leurs colonies, et où leurs instincts littéraires ont trouvé à se développer : Venise, 1565; Rome, 1584 ; Léopol ou Lemberg en Pologne, 1616 ; Milan, 1624; Paris, 1633; Djoulfa, auprès d’Ispahan, 1640 ; Livourne, 1640; Amsterdam, 1660 ; Marseille, 1673 ; Constantinople, 1677; Leipzig, 1680; Padoue, 1690; Smyrne, 1759; Madras, 1772 ; Edchmiadzin, 1774 ; Trieste, 1776 ; Saint-Pétersbourg, 1783 ; Nouvelle-Nakhitchévan, 1790 ; Astrakhan, 1796 ; Moscou, 1707; Calcutta, 1815; Singapore, 1849.