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cités comme étant en voie de prospérité, et les trois sur l’avenir desquels il est impossible, à cause de leur nouveauté, de se prononcer, les autres, pour la plupart, sont tombés, par suite de leurs tendances en désaccord avec l’esprit et aussi avec les préjugés du public auquel ils s’adressaient ou par le peu d’intérêt de leur rédaction.

Envisagée comme un instrument de régénération et de progrès et tenue jusqu’ici en dehors de toute idée de spéculation industrielle, la presse arménienne a pour elle les sympathies et l’appui de l’élite de la nation, fraction encore minime sans doute, mais dont le patriotisme ne recule devant aucun sacrifice pour répandre parmi les Arméniens les journaux, les livres utiles et les lumières de l’instruction[1]. La munificence particulière rivalise de zèle sur ce terrain avec l’action collective de ces associations, véritables sociétés de mutualité que les Arméniens ont organisées presque partout où ils se sont fixés; mais c’est surtout dans la création des établissemens, d’éducation que ces efforts se sont manifestés depuis une cinquantaine d’années avec le plus de persévérance et ont produit les plus utiles résultats. Il suffira de mentionner les plus importans de ces établissemens pour donner une idée de ce qui a été accompli jusqu’à présent, et de ce qui reste à faire.

Le premier de tous, tant par son ancienneté que par le niveau supérieur des études que l’on y professe et les services qu’il a rendus, est le collège connu sous le nom d’Institut Lazaref des langues orientales (Lazarerkii Institout vostotchnik yazikov), à Moscou. L’histoire de la fondation de ce collège est inséparablement liée à celle de la noble famille dont il porte le nom et à la générosité de laquelle les Arméniens en sont redevables. L’aïeul de cette famille, Manoug Lazar, descendait de l’un de ces chefs arméniens qui, après la destruction du royaume de Cilicie, vers le milieu du XIe siècle, réussirent à se maintenir dans leur patrie asservie, en conservant un reste d’indépendance. Lorsqu’en 1605, Schah-Abbas le Grand transplanta à Ispahan les habitans des provinces riveraines de l’Araxe, Manoug émigra avec eux. Le schah, voulant leur faire oublier la violence qui les avait arrachés de leurs foyers, et donner l’essor à leur industrieuse activité

  1. Ce sont des libéralités particulières, suggérées aux donateurs par le désir de contribuer à l’avancement de leurs compatriotes, qui ont couvert les frais de cette masse de publications faites par les révérends pères mekhitharistes, et dont plusieurs ont coûté des sommes considérables. Les dons faits dans ces derniers temps pour cet objet par les familles Duz et Dadian de Constantinople doivent leur mériter une éternelle reconnaissance de la part des Arméniens. J’en dirai autant de la famille Lazaref de Saint-Pétersbourg. A Ortha-Keni, dans la banlieue de Constantinople, les souscriptions de l’association littéraire qui porte le nom de Thankaran verdzanouthian (cabinet de lecture) nous ont valu tout récemment la publication d’un historien arménien inédit du Xe siècle, Thomas Ardzrouni, précieux pour la connaissance des expéditions des Arabes en Arménie.