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l’embouchure de la Seine, mais par un chemin plus long, puisqu’au lieu de marcher en ligne droite elle suit le contour de la baie. Elle arrive au terme de sa course au moment où le courant venu du cap d’Antifer se dispose à rétrograder, et le soutient par sa pression de manière à prolonger d’une manière très sensible la durée du plein de la mer. Par une conséquence inverse de la configuration de la côte, le courant de jusant se fait d’abord sentir du cap de Barfleur au cap d’Antifer, et ce n’est que lorsque la mer a commencé à se creuser dans cette direction que la dénivellation rappelle les eaux du fond de la baie. Ainsi les deux ondes se soutiennent mutuellement, et lorsqu’elles approchent du maximum de leur élévation, et lorsqu’elles commencent à en descendre. C’est par là que dans les ports de la baie la mer se maintient près d’une heure à un niveau très voisin de son plein et qu’on y fait en une marée des manœuvres qui en exigent plusieurs dans les ports situés au nord du cap d’Antifer. Telles sont les conditions hydrographiques, communes à toute la baie, auxquelles sont subordonnés les moyens d’en améliorer la navigation. Côtoyons-en maintenant le pourtour.


I. — LA DIVE. — L’ORNE. — CAEN.

La Dive épanche dans la mer, au pied des collines de Beuzeval, les eaux qu’elle a lentement promenées au travers de l’incomparable vallée d’Auge, le Tempé de la Normandie, bien supérieur surtout pour l’engraissement des bœufs à celui du pasteur Aristée : elle entre à 25 kilomètres du rivage dans des terrains d’alluvion dont l’horizontalité, le niveau par rapport à la mer et l’humidité attestent la récente formation. Les marées se sont jadis étendues sur tout l’espace occupé par ces dépôts, et le temps n’est pas éloigné où elles les inondaient aux équinoxes jusqu’au-delà de Troarn. Les sédimens dont l’accumulation successive a comblé cet ancien golfe sont venus de la mer plutôt que des eaux douces : la preuve en est dans la pente du sol, qui va s’inclinant du rivage vers l’intérieur des terres. Les nivellemens faits pour le dessèchement des marais de la Dive ont constaté que les herbages de Varaville, voisins de la mer, sont de 3 mètres plus élevés que ceux de Troarn et de Saint-Samson, situés à 12 kilomètres en arrière. La basse Dive n’a donc qu’une pente insensible, et cette circonstance en a voué la vallée à l’agriculture, tandis que la puissance des chutes d’eau des vallées adjacentes de la Touque et de l’Orne en a fait le séjour d’une active industrie.

La Dive et la Vie, son principal affluent, sont navigables en marées de pleine et de nouvelle lune jusqu’à l’intersection de la route de Paris à Caen; mais, malgré la prodigieuse fécondité de la vallée, cette navigation mérite à peine d’être mentionnée : le mouvement