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J’y verrai de mon cœur s’agrandir le royaume,
Et mes filleuls chéris l’abriteront toujours.


LA SOURCE.

L’humble source est intarissable ;
Dans l’herbe entendez-la frémir.
J’y suis bien sur mon lit de sable,
Si bien que j’y voudrais dormir !

Je n’en sors qu’avec un murmure,
Pleurant mon bassin de cristal,
Et mon eau va, sous la verdure.
Se perdre au bout du pré natal.

C’est assez d’apporter la vie
Aux fleurs de mes bords transparens ;
J’y mourrai, sans porter envie
Aux flots voyageurs des torrens.

L’eau du fleuve est trop agitée
Pour être un fidèle miroir ;
Et jamais la lune argentée
Ne s’y baigne en paix tout un soir.

Mais moi, quand tu viens, jeune fille,
Je reflète, en mon flot charmé,
Tes grands yeux où ton âme brille,
Et les regards du bien-aimé.


ADAH.

Que ton sourire est beau sous ce grand front sévère !
Comme il invite bien à l’amour, à l’espoir !
Ainsi, sous le grand chêne où tu m’as fait asseoir,
J’ai vu, dans un rayon, s’ouvrir la primevère.

Un charme, ô bien-aimé, m’enchaîne auprès de toi ;
Mes yeux semblent contraints à chercher ton visage.
Et pourtant, à tes pieds, je sens un vague effroi
M’arriver de ton front, s’il y passe un nuage.

Ton aspect a des dieux la grâce et la fierté,
mon bel inconnu ! mais aussi leurs mystères.
Tes doux regards, souvent mêlés d’éclairs austères,
M’apportent la tristesse avec la volupté.