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Je cherche autour de moi, dans nos jardins déserts ;
J’y suis abandonnée !

Que me font ces fruits d’or dérobés sur ta foi
Pour les goûter ensemble ?
Que me font ces beaux lieux où j’aspirais pour toi ?
J’y suis seule et je tremble.

Pauvre cœur, à jamais exilé de l’amour,
Ton supplice commence.
Pourrai-je sans mourir traverser tout un jour
Ma solitude immense ?


CHŒUR DE FAUNES.

Quand les fleurs tombent du rosier,
Quand mûrit le rouge alisier.
Quand les bois sont devenus jaunes,
Entre les ceps de pourpre et d’or.
Prompts à cueillir leur doux trésor,
Voici le chœur des joyeux Faunes.

Les jours ont perdu leurs clartés,
Les derniers fruits sont récoltés.
Mais il reste encor la vendange.
Le soleil, au fond du raisin,
Cache un feu pour l’hiver voisin ;
En Bacchus Apollon se change.

Vois, sous les chênes dépouillés,
Danser les Faunes barbouillés.
Riant sous leur masque de lie.
Fardez ainsi votre pâleur ;
Le rire étouffe la douleur :
On la cache, et puis on l’oublie.

Plus mon âme a de lourds chagrins.
Plus ma voix a de gais refrains.
Mon œil de railleuses tendresses.
Voyez, sur les gazons flétris.
Le soir qui passe en manteau gris…
C’est l’instant propice aux ivresses.

Ta joue a perdu son carmin ;
L’ennui rendrait chauve, demain,
Ton front jauni par son haleine.
Reçois nos joyeuses couleurs :