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I.

C’est en Amérique, dans le village de Hydesville, voisin de la ville d’Arcadia, comté de Wayne, état de New-York, qu’une maison précédemment habitée par Michel Weekman fut occupée par la famille Fox, venant de Rochester. Cet emménagement eut lieu le 11 décembre 1847, et ce fut à la fin de mars 1848 que commencèrent à se manifester les prodiges qui ont eu depuis un si grand retentissement dans les deux mondes.

On a souvent fait remonter les premières manifestations américaines à l’année 1847 ou même à 1846, parce qu’un soir dont on ne sait pas bien la date, M. Weekman, qui pendant ces deux années occupa la maison de Hydesville, entendit frapper à la porte de la rue, et, étant allé ouvrir, ne vit personne. Une seconde fois le même appel, s’étant réitéré, fut suivi du même résultat; mais le rusé M. Weekman, mystifié une seconde fois, s’avisa de tenir à la main la porte refermée, en sorte qu’au moment où l’on frappa pour la troisième fois il ouvrit subitement, mais ne vit encore personne. Cette anecdote revint à la pensée de M. Weekman après les éclatantes manifestations des esprits qui rendirent plus tard si célèbre la famille Fox, qui l’avait remplacé à Hydesville : elle n’a en soi rien de merveilleux, et ne peut établir pour cette maison la réputation d’une localité hantée par les esprits malins, car il est tout simple d’admettre que le gamin qui frappait à la porte du bourgeois deux fois mystifié, peut-être au moyen d’une balle de plomb attachée à une ficelle, avait bien prévu qu’il se tiendrait en embuscade pour la troisième fois, et si M. Weekman n’entendit pas des éclats de rire dans la rue, cela tient à l’essentielle différence qui existe entre le gamin français et le gamin anglais ou transatlantique, toujours largement pourvu de cet humour que l’auteur d’Atala aurait admirablement désigné par l’expression de gaieté triste[1].

Le 19 mars 1848 au soir commencèrent dans la maison d’Hydesville les bruits étranges qui persistèrent ensuite si obstinément. La famille Fox entendit un bruit qui semblait partir des chambres à coucher, et qui ressemblait à des coups frappés sur le plancher de ces chambres ou à ceux que produiraient des chaises déplacées. Quatre ou cinq membres de la famille étaient présens, et tous montèrent dans ces chambres pour reconnaître d’où provenait ce fracas. On visita la maison entière, mais on ne put rien découvrir. On éprouvait seulement un léger frémissement en plaçant la main sur les bois de lit, sur les chaises, ou même en se tenant debout sur le plancher. Le bruit se fit entendre cette nuit-là tant qu’il resta quelqu’un d’éveillé dans la maison. Le soir du jour suivant, ces sons se firent entendre comme auparavant, et ce ne fut que le lendemain de ce second jour, c’est-à-dire le 21 mars 1848 au soir, que les voisins furent appelés pour en être témoins. Voici le récit que faisait Mme Fox très peu de temps après le jour où cet événement avait eu lieu pour la première fois :

« Le lendemain de ces manifestations, nous résolûmes de nous mettre au lit de bonne heure et de ne nous laisser troubler par rien. Si le bruit se

  1. Voir la joie triste de Chactas dans l’Atala de Chateaubriand.