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sceptique des hommes, M. M.., qui m’avait accompagné, crut à ce récit comme moi ; mais étant rentré avec moi dans la salle où la réunion était nombreuse, cet observateur défiant resta, malgré le froid, dans la porte d’entrée même, en prétextant la foule qui remplissait la pièce, et il se plaça de manière à voir de côté la fille électrique avec son guéridon devant elle. Cette fille faisait face à ceux qui occupaient en grand nombre le fond et les côtés de la salle. Après une heure d’attente patiente, rien ne se manifestant, je me retirai en témoignant de ma sympathie et de mes regrets. M. M... resta obstinément à son poste : il tenait en arrêt, de son œil infatigable, la fille électrique, comme un chien couchant le fait d’une perdrix. Enfin, au bout d’une autre heure, mille préoccupations ayant distrait l’assemblée et de nombreuses conversations s’y étant établies, tout à coup le miracle s’opéra, le guéridon fut renversé. Grand étonnement, grand espoir! On allait crier : Bravo! lorsque M. M.., s’avançant avec l’autorité de l’âge et de la vérité, déclara qu’il avait vu Angélique, par un mouvement convulsif du genou, pousser le guéridon placé devant elle. Il en conclut que l’effort qu’elle avait dû faire avant dîner pour renverser une lourde table de cuisine avait dû occasionner au-dessus du genou une forte contusion, ce qui fut vérifié et trouvé réel.

Telle fut la fin de cette triste histoire où tant de gens avaient été dupes d’une pauvre idiote, assez maligne cependant pour faire illusion par son calme même. Si l’on voulait assimiler toutes les narrations de faits merveilleux à l’histoire d’Angélique Cottin, on arriverait bientôt à l’incrédulité la plus absolue. Tous ceux qui lisent dans les Comptes-Rendus de l’Académie des Sciences les propriétés merveilleuses que les membres de la commission étaient appelés à examiner voudront bien faire attention que l’annonce de ces merveilles n’en était pas la constatation. Et dans bien d’autres cas :

On commence par être dupe.
On finit par être dupant.

Il est encore question dans le même recueil d’une commission nommée pour vérifier des faits singuliers observés près de Rambouillet chez un propriétaire manufacturier dont tous les vases éclataient en mille pièces au moment où on s’y attendait le moins. Des chaudières et des vases en fonte de grande dimension volaient de même en éclats au grand préjudice du propriétaire, dont les embarras cessèrent par le renvoi d’un domestique qui s’entendait avec celui qui devait occuper l’usine pour l’obtenir à meilleur marché. Cependant il est regrettable que l’affaire se terminât avant qu’on eût pu savoir à quelle poudre fulminante on avait eu recours pour produire ces effets si curieux, si nouveaux, et en apparence si bien constatés.


III.

Le Mémoire sur le Somnambulisme de M. le général Noizet, qui forme un ouvrage considérable de plus de quatre cents pages, contient une note sur les tables tournantes, où j’ai vu avec plaisir, je dirais même avec fierté, que je m’étais rencontré avec cet excellent esprit sur la cause des rotations observées dans les tables et sur la production de ces effets même à l’insu des