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civilisation hébraïque, ne faudrait-il pas reconnaître aussi le pouvoir d’un autre conquérant qui s’avance couronné de fleurs et suivi de tous les arts, pour s’emparer des montagnes arides de la Judée ? Ne faut-il pas saluer le génie hellénique qui se révèle avec tant de magnificence dans les longues colonnades de Palmyre et jusque dans le flanc des rochers de Petra ? De là cette Jérusalem nouvelle, toute brillante des clartés de la Grèce, qui s’élève triomphalement sur les édifices de la cité de David croulant de vétusté. De là ce temple où se déploie la richesse élégante d’Athènes ou de Corinthe, Ce temple est le troisième ; c’est Hérode qui l’érige sur les débris des deux premiers. Ne voit-on pas que ce sont des ruines qui s’accumulent sur des ruines, une nouvelle civilisation qui fait ombre à celle qui précède ? Ne voit-on pas que l’antiquité hébraïque se trouve ainsi rejetée dans des profondeurs inconnues où nul antiquaire, à cette heure, ne peut aller la chercher ?

Voilà ce que chacun sait, voilà ce dont on est convaincu, voilà ce que traditions, histoire, pèlerins, voyageurs, savans, poètes même, répètent à l’envi ; voilà néanmoins ce que dans une publication récente on est venu combattre, ce qu’on a voulu nier. Au nombre des principaux argumens présentés à l’appui de cette théorie, il en est deux surtout qui ont attiré l’attention réveillée par des noms qui s’associent depuis l’enfance dans toutes les mémoires aux notions les plus élémentaires de l’histoire sainte. On a mis en avant la découverte du tombeau de David et celle non moins remarquable des ruines de Sodome. La critique a cependant éprouvé quelque défiance à l’annonce de ces deux découvertes, elle a osé soupçonner que quelquefois on peut aller chercher très loin une erreur. Serait-ce de sa part entêtement, faux système, quelque chose de pis encore ? Il y a là un point qu’il nous paraît intéressant d’examiner, car les deux questions à débattre sont au nombre des plus importantes parmi celles que peut soulever un voyage archéologique en Terre-Sainte.


I.

Dans les premiers mois de l’année 1851, un groupe de voyageurs traversait la Judée. Étudier la topographie et les monumens de Jérusalem n’était pas leur unique but : l’attrait de l’inconnu les poussait à explorer le bassin de la Mer-Morte. Aussi, après quelques momens de repos, quittèrent-ils en toute hâte la ville sainte, afin de gagner la rive occidentale du lac Asphaltite ; puis, après l’avoir côtoyée en se dirigeant vers le sud, après avoir tourné la pointe de la Mer-Morte à son extrémité méridionale en passant au pied de la montagne de Sodome, ils côtoyèrent la rive orientale en remontant vers le nord, à travers le pays de Moab, bien au-dessus de la presqu’île d’El-Lican, c’est-à-dire à près de la moitié du lac Asphaltite ; ensuite ils visitèrent El-Karak, célèbre dans l’histoire des croisades, revinrent par le même chemin, et rentrèrent à Jérusalem en passant par Hébron. Définitivement établi à Jérusalem après une seconde excursion sur le rivage de la Mer-Morte, au nord, à l’embouchure du Jourdain et sur l’emplacement de Jéricho, le chef de cette expédition se consacre à l’étude des principaux monumens de la ville sainte, ou plutôt de ses8 reliques. Les tombeaux de la vallée de Josaphat, celui qu’on nomme le tombeau des Rois, les débris de la muraille qui entourait le temple