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mais Napoléon, monarque nouveau, n’avait pas cette ressource : abdiquer en faveur d’un enfant de deux ans, c’était vouer la France à l’anarchie, et sa dynastie à une ruine certaine. Il était donc condamné à persister dans une lutte contre des forces trop supérieures pour qu’il put à la longue espérer la victoire, mais hors de laquelle il n’y avait pour lui aucune chance d’honneur ni même de salut : rigoureux châtiment des fautes irréparables auxquelles l’avait entraîné l’aveuglement de la prospérité !

Ces conditions que l’Autriche mettait en avant et qu’il repoussait, il est plus que probable qu’elles auraient médiocrement satisfait la Russie et la Prusse, bien que la crainte d’un retour de fortune les eût sans doute décidées à y souscrire. Les deux cabinets, certains d’avance de voir la cour de Vienne se déclarer en leur faveur si les hostilités recommençaient, ne pouvaient beaucoup redouter le renouvellement d’une guerre où la proportion des forces respectives devait se trouver tellement changée. Quant à l’Angleterre, ses dispositions étaient moins conciliantes encore. Le sentiment national, porté au plus haut degré d’exaspération et d’orgueil par la longueur et l’acharnement du duel engagé depuis vingt ans contre la France, par l’énormité des sacrifices qu’il avait coûtés, par les victoires de lord Wellington, et surtout par les événemens inattendus qui étaient venus, depuis quelques mois, ébranler si violemment l’édifice de la puissance napoléonienne, en était déjà arrivé au point de regarder comme un dénouement peu satisfaisant ce que naguère on n’eût pas même osé espérer. Le ministère eût craint de blesser ouvertement des tendances qui d’ailleurs étaient en réalité les siennes ; il n’osait pourtant pas non plus proclamer hautement la volonté de ne pas faire la paix, sachant bien que si, après un tel refus, les choses avaient mal tourné, l’opinion lui en aurait demandé compte ; mais s’il paraissait se prêter jusqu’à un certain point aux démarches de l’Autriche, c’était avec le désir peu déguisé qu’elles n’eussent aucun résultat. Cela ressort clairement des instructions données le 6 juillet 1813 par lord Castlereagh à lord Cathcart, qui, accrédité en qualité d’ambassadeur auprès de l’empereur Alexandre, l’avait suivi en Allemagne, et devait, s’il y avait lieu, intervenir dans les négociations. Elles portaient qu’il ne fallait pas se refuser absolument à traiter de la paix, si les puissances continentales s’y déterminaient, que dans ce cas on devait leur représenter fortement la nécessité d’insister pour obtenir toutes les conditions réclamées par les grands intérêts de l’Europe ; mais s’il était impossible de leur inspirer toute l’énergie désirable, l’Angleterre ne devait pas se séparer d’elles, pourvu qu’on lui donnât satisfaction sur certains points dont il lui était impossible de se départir. « Le danger de traiter avec la France est grand, disait le