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ministre, mais celui de perdre nos alliés continentaux et la confiance de notre propre nation est plus grand encore. Nous devons garder scrupuleusement la foi jurée à l’Espagne, au Portugal, à la Sicile et à la Suède. Nous devons conserver nos conquêtes les plus importantes en nous servant des autres pour améliorer un arrangement général…, et, relativement au continent, notre rôle est de soutenir et d’animer les puissances dont les efforts peuvent seuls nous donner la possibilité d’atteindre ce grand résultat en évitant de compromettre par des exigences et des aspirations exagérées nos chances futures d’alliances et de résistance. »

Une des grandes préoccupations du cabinet de Londres, c’était de bien faire comprendre à ses alliés qu’il ne consentirait jamais à faire entrer dans les négociations le règlement des questions de droit maritime, sur lesquelles il était résolu à ne rien céder, parce qu’il a toujours considéré le maintien de ses principes en cette matière comme essentiel à sa supériorité navale, mais sur lesquelles il savait bien que si le débat venait à s’engager, la France aurait pour elle l’assentiment et les vœux de tout le continent, parce que la cause qu’elle défendait était celle des marines faibles contre les dominateurs des mers. Voici ce que lord Castlereagh écrivait à ce sujet, le 14 juillet, à lord Cathcart : « Je ne puis me dispenser de vous rappeler combien il importe d’éveiller l’attention de l’empereur Alexandre sur la nécessité qu’il y a, tant dans son intérêt que dans le nôtre, d’exclure péremptoirement des négociations générales toute question maritime. S’il ne le fait pas, il s’exposera à susciter une mésintelligence entre les puissances dont l’union fait la sûreté de l’Europe. La Grande-Bretagne peut être forcée à se retirer du congrès, mais non pas à renoncer à ses droits maritimes. » Lord Castlereagh expliquait ensuite que son gouvernement n’accepterait aucune espèce d’intervention, dans la querelle où il était alors engagé avec les États-Unis, pour ces questions si délicates des privilèges du pavillon neutre et du droit de visite et de recherche, qu’aujourd’hui encore on n’a pu parvenir à résoudre en principe. « Pour peu, disait-il, que l’empereur connaisse l’Angleterre, il doit être convaincu qu’aucun ministère n’oserait abandonner la faculté de rechercher à bord d’un bâtiment neutre soit la propriété de l’ennemi, soit la personne d’un sujet anglais. La seule chose qu’il y ait lieu d’examiner, c’est si l’usage de cette dernière faculté peut être réglé… de manière à en prévenir autant que possible les abus. On est ici parfaitement disposé à aborder loyalement cette question ; mais le seul fait qu’un arrangement serait conclu par l’intermédiaire d’une tierce puissance suffirait probablement pour le faire repousser par le sentiment national. »

Toute la correspondance de lord Castlereagh avec lord Cathcart